David a peint le sacre de Napoléon, et comme le Louvre consacre depuis le 15 octobre une rétrospective à cet artiste, il était assez naturel que la programmation musicale de l’Auditorium se rapproche de l’empereur. Le premier concert de la série conçue en lien avec l’exposition proposait avant tout de la musique vocale écrite entre 1774 et 1823, soit une fourchette chronologique plus en rapport avec David, né en 1748 et mort en 1825, qu’avec Bonaparte.

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Sous le signe de l’Antiquité

 Tous ces extraits d’opéra, David aurait pu les entendre, ou du moins, le lien avec son art est assez facile à imaginer, puisqu’il s’agit pour la plupart de tragédies lyriques inspirées par l’Antiquité. Ce sont des partitions écrites dans le monde d’hier, sous l’Ancien Régime où le peintre commença sa carrière, puis du temps des lendemains qui chantent, sous l’Empire. Qui dit opéra français dit évidemment compositeurs étrangers : Gluck d’abord, avec un air d’Iphigénie en Aulide (qui sera très bientôt à l’affiche de l’Opéra-Comique), puis son élève Salieri pour Les Danaïdes, mais aussi son rival Piccinni, ici représenté par sa Didon, sans oublier Sacchini, et plus tard Cherubini et Spontini, ce dernier étant connu pour avoir offert à Napoléon les opéras de propagande dont son régime avait besoin.

 
Couleurs inédites
 
Le récital s’ouvre sur l’air « Il va venir » tiré de la Phèdre (1786) de Jean-Baptiste Lemoyne. Ce n’est pas d’hier que Judith van Wanroij est étroitement associée à cet opéra, dont elle a assuré une première résurrection partielle en 2017, déjà sous la baguette de Julien Chauvin ; en janvier dernier, c’est avec une interprétation mémorable de ce même air que la soprano néerlandaise participait au gala des dix ans du Concert de la Loge. Pas d’orchestre, cette fois, mais un quatuor à cordes composé de membres de cet ensemble : Julien Chauvin et Karine Crocquenoy aux violons, Pierre-Eric Nimylowycz à l’alto et Félix Knecht au violoncelle. Ces transcriptions, réalisées par le Palazzetto Bru Zane, restituent la beauté et l’inventivité des partitions tout en leur conférant des couleurs inédites mais savoureuses. Quelques respirations instrumentales sont également proposées au fil du concert, avec notamment des mouvements des quatuors du très précoce Hyacinthe Jadin.

De g. à dr. Julien Chauvin, Félix Knecht, Judith van Wanroij, Pierre-Eric Nimylowycz & Karine Crocquenoy © DR 

Expressivité touchante

Le programme ayant été imaginé avec le concours du Palazzetto Bru Zane, on reconnaît aussi les principales œuvres qu’a enregistrées le Centre de musique romantique française, avec Judith van Wanroij pour Les Danaïdes en 2013, sans elle pour les Les Abencérages de Cherubini et La Vestale en 2022 ; par ailleurs, la soprano incarnait déjà admirablement le rôle-titre dans l’Iphigénie en Aulide gravée avec le Concert de la Loge en 2022. A ces disques d’hier, l’imagination ajoute déjà ceux de demain peut-être : Œdipe à Colone de Sacchini, Anacréon de Cherubini, La Mort d’Adam de Lesueur ou cette mystérieuse Valentine de Milan laissée inachevée par Méhul et dont l’inspiration s’éloigne de l’Antiquité pour rejoindre le goût troubadour, puisque ce personnage historique inspira les peintres dès 1802 (David, rendant visite à Fleury-Richard, déclara devant sa toile Valentine de Milan pleurant la mort de son époux Louis d’Orléans, assassiné en 1407 par Jean, duc de Bourgogne : « Ça ne ressemble à personne, c’est aussi nouveau d’effet que de couleur. Voilà, mon cher, le genre dans lequel vous devez réussir ! »). Dans toutes ces pages, Judith van Wanroij fait valoir son articulation de notre langue et son expressivité touchante. De La Vestale, dont elle donnera un deuxième air en bis, elle évite avec raison les éclats de « Toi que j’implore », mais elle montre qu’elle possède de solides atouts pour servir ce répertoire, emportant l’adhésion du public enthousiaste.