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​Ciné-concert Dracula de Coppola à la Philharmonie de Paris – Et rugir de plaisir – compte rendu

On avait oublié, n’ayant pas revu le film depuis sa sortie en 1992, à quel point Gary Oldman grognait et grommelait, en vampire dans la brillante adaptation du roman de Bram Stoker par Francis Ford Coppola. Le principe du ciné-concert semble pourtant rendre l’oreille plus sensible au feuilletage des sons propre à un film : en dissociant la musique, interprétée en direct, du reste de ce qu’il y a à écouter, peut-être permet-il paradoxalement d’accorder une attention renouvelée à ce qui se dit (et se rugit), superposé à ce qui se joue et se chante. L’acteur britannique qui incarne le rôle-titre change presque aussi souvent de voix que d’aspect physique, c’est dire. Et quand on entend interprétée par un orchestre et un chœur aussi fournis, on mesure pleinement l’intérêt de l’entreprise.

 

© Europaïsche FilmPhilharmonie / Fernando Carmena / Sony pictures
 
Un compositeur très demandé

Après avoir d’abord sollicité rien moins que Witold Lutoslawski, Coppola s’était tourné vers un autre « compositeur de l’est », Wojciech Kilar (1932-2013), élève de Nadia Boulanger qui connut une trajectoire rappelant un peu, toutes proportions gardées, celle de leur compatriote Krzysztof Penderecki : après un passage par l’atonalité, Kilar a opéré un très net virage vers une musique moins ardue. Et, travaillant pour le cinéma polonais dès le début des années 1960, il est devenu un compositeur de musique de film très demandé : Portrait of a Lady de Jane Campion, Le Pianiste de Polanski, La Nuit nous appartient et Two Lovers de James Gray. Sa partition pour Dracula sollicite particulièrement les violoncelles et les contrebasses qui créent un rythme obsédant, le chœur intervenant à intervalles réguliers pour créer une atmosphère vaguement religieuse ou terrifiante.

 

Frank Strobel © Europaïsche FilmPhilharmonie / Fernando Carmena / Sony pictures

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Parfaite adéquation sous une baguette experte

A la tête de l’Orchestre de Paris, de son Chœur et de son Chœur de jeunes, le chef allemand Frank Strobel, spécialiste des musiques de cinéma, et l’un des pionniers du « film en concert » (il a notamment dirigé le Napoléon d’Abel Gance en 2024), garantit un déroulement sonore en parfaite adéquation avec les images – on regrette seulement que l’éclairage nécessaire pour les instrumentistes et les choristes prive un peu l’écran de l’obscurité totale surtout souhaitable pour les scènes nocturnes. Mais la beauté de ce que l’on entend rejoint l’inventivité visuelle de Coppola, avec ses hommages à d’autres traditions cinématographiques (les films muets, japonais, etc.) et la splendeur des costumes d’Eiko Ishioka, qui situent l’action vers 1885 plutôt que 1897. De quoi rugir comme le comte Dracula, mais de plaisir plutôt que de soif de sang, surtout quand la toujours excellente Neima Naouri survient lors du générique de fin, pour chanter la « Love Song for a Vampire » créée par Annie Lennox …

Laurent Bury
 

Dracula de Francis Ford Coppola, musique de Wojciech Kilar. Paris, Philharmonie, Grande Salle, 21 octobre ; prochains concerts les 22 & 23 octobre 2025 // www.concertclassic.com/concert/dracula-francis-ford-coppola
 
Photo © Europaïsche FilmPhilharmonie / Fernando Carmena / Sony pictures
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