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​La Cage aux folles au Châtelet – Gay tapant, Gay ris donc – Compte rendu

Dans son rôle de traducteur du livret de La Cage aux folles, Olivier Py ne s’est pas privé de multiplier les calembours sur le mot gay, ni les références à ce catholicisme qui l’anime de longue date, et a ainsi réussi une adaptation aussi personnelle qu’efficace. Il fallait d’ailleurs un certain courage pour monter cette comédie musicale qui, lorsqu’une première version fut créée à Paris en 1999, déboucha sur une faillite au bout de cent représentations. Vingt ans après, l’Opéra de Nice s’y était risqué pour deux soirs seulement. Au Châtelet, le nouveau spectacle des fêtes sera donné une quarantaine de fois en moins de quarante jours, mais tous les ingrédients d’un succès sont réunis pour une production qui, par-delà le rire, véhicule un message de tolérance militante.

Habileté du décor, fluidité de l’action

Le plus prévisible, c’est sans doute la mise en scène d’Olivier Py : si les amateurs d’opéra croiront en partie revoir sa Carmen donnée à Lyon, les habitués de musical seront éblouis par l’univers visuel propre à Pierre-André Weitz, avec son habile structure tournante et lumineuse réunissant plateau, coulisses, intérieur de Georges et Albin, sans oublier quelques autres lieux qui apparaissent au fil de l’action. Principale différence : alors que, lorsqu’il monte Les Mamelles de Tirésias, Olivier Py fait entrer l’œuvre dans le monde du cabaret, il n’y a cette fois aucun décalage entre ce que prévoit le livret et ce qui est montré. Tout s’enchaîne ici avec fluidité malgré la monumentalité du décor incluant l’inévitable grand escalier que la Grande Zaza descend à plusieurs reprises. Et les costumes emplumés et pailletés reflètent à merveille l’univers des revues dénudées.

 

Laurent Lafitte (Zaza) © Thomas Amouroux

 
Quand l’acteur se fait chanteur

Autre atout essentiel : la présence de Laurent Lafitte (photo) en tête d’affiche. Flamboyant dans La Femme la plus riche du monde, le comédien va ici plus loin, les planches l’y obligent, mais sans jamais tomber dans la caricature. Bien qu’hilarante, son incarnation d’Albin reste fine et distille l’émotion nécessaire, la bonne surprise étant l’art avec lequel l’acteur se fait chanteur. Car le personnage a naturellement beaucoup à chanter ; la difficulté n’est en rien éludée, et une nouvelle carrière s’ouvre à l’ex-pensionnaire de la Comédie-Française.
 
Les Frivos sont là !

A cette réussite concourt bien sûr la présence en fosse d’une dizaine d’instrumentistes des Frivolités Parisiennes, dirigés par Christophe Grapperon (en alternance avec Stéphane Petitjean). La partition de Jerry Herman, compositeur de Hello Dolly, orchestrée par Jason Carr, inclut plusieurs numéros que leur texte a contribué à rendre mémorables, et qui pourraient s’imposer dans le monde francophone grace à la VF signée Olivier Py. La distribution vocale repose en grande partie sur les épaules de Damien Bigourdan, superbe Georges dont on connaît depuis longtemps les talents de chanteur. Harold Simon est un jeune premier idéal, et l’on regrette que Lara Neumann ait si peu à chanter en Jacqueline. On saluera la prestation avant tout théâtrale d’Emelie Bayart en Mme Dindon ou d’Emeric Payet, Jacob déjanté, Maë-Lingh Nguyen dansant avec élégance le rôle d’Anne. Dans le chœur des Cagelles, les mélomanes reconnaîtront notamment le contre-ténor Théophile Alexandre.

Laurent Bury
 

Jerry Herman, La Cage aux folles – Paris, Théâtre du Châtelet, 5 décembre 2025.  Jusqu’au 10 janvier 2026 // www.chatelet.com/programmation/25-26/la-cage-aux-folles/
 
Photo ©  Thomas Amouroux

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