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Te Deum et cantates au Festival Berlioz - Un seul chant - Compte-rendu

Le Festival Berlioz investit un nouveau lieu : le théâtre antique de Vienne, à une quarantaine de kilomètres de La Côte-Saint-André (bourgade de naissance du compositeur et siège du festival). Plutôt que de lieu, c’est plutôt d’espace qu’il convient parler : pour ce vaste amphithéâtre romain à flanc de colline pouvant accueillir sept mille personnes. En la circonstance, celle du concert de la deuxième journée du festival et sa véritable ouverture musicale, la vastitude correspond au projet. Puisque sont rassemblés quelque neuf cents exécutants, entre 120 instrumentistes et 800 choristes dont 600 enfants.
 

François-Xavier Roth © www.francoisxavierroth.com
 
François-Xavier Roth réédite avec succès son expérience, déjà concluante, du Te Deum de Berlioz en juin à la Philharmonie de Paris1. Mais avec des ingrédients quelque peu modifiés : le seul Jeune Orchestre européen Hector-Berlioz, orchestre atelier et émanation du festival (toutefois secondé des musiciens aguerris de l’orchestre Les Siècles), toujours sur instruments d’époque ; le Chœur Spirito, nouvellement créé à partir des Solistes de Lyon de Bernard Tétu et du Chœur Britten, de Lyon également ; des chorales d’enfants plus fournies, cette fois venues de l’Isère et de la région, et formées tout spécialement. Comme changent aussi les conditions, celles du plein-air. Ou du semi-plein-air. Car la conque, installée pour le festival de jazz au mois de juillet, reste en place, qui enserre les interprètes. On ne voudrait trop en l’espèce avoir la cruauté de rappeler le mot de Berlioz lui-même : « La musique en plein-air n’existe pas. » Puisque la musique est ici enclose. Mais moins le public, dispersé aux quatre vents, ou plutôt en plein soleil (merci la météo propice !). D’où un appoint d’amplification, discrète toutefois ; du moins pour les places où nous étions, aux premières loges si l’on peut dire.
 
Diffère aussi tant soit peu l’interprétation. Roth semble avoir encore sondé plus profond sa restitution du Te Deum. Pourtant déjà remarquable à la Philharmonie. Une forme d’aboutissement. En apothéose d’une exaltation et d’une intériorité qui n’auront jamais cessé, le « Judex crederis » final se déploie dans toute sa jubilation et ses terreurs (l’inouï Non confundar). On regrettera seulement que le ténor du « Te ergo quæsumus », Pascal Bourgeois par ailleurs excellent, chante dans son micro ce qui devrait figurer une voix céleste.
 
La seconde partie du concert, sans la participation d’enfants devenus simples auditeurs, se donne à d’autres pages cérémonielles de Berlioz. Avec une égale ferveur. Des cantates d’inspiration napoléonienne (thème de cette édition du festival), que l’on n’entend pour ainsi dire jamais. La cantate L’Impériale, pour double chœur et orchestre, est soulevée d’un magnifique emportement. Bravo, à nouveau, au chœur Spirito ! Alors que Le Cinq-Mai, « chant sur la mort de l’empereur Napoléon », pour basse, chœur et orchestre, atteint des sommets d’effusion. En raison de la direction de Roth, toujours attentive et vibrante, et surtout de son interprète : un Nicolas Courjal (photo) bouleversant, dans le phrasé, les nuances comme l’expression. Autre grand moment, qui « donnerait des frissons au moins bonapartiste des auditeurs » ; autocitation de l’auteur de ces lignes, qui a eu la faveur insigne d’assister à l’exécution de cette cantate différentes fois, mais aucune fois aussi intense.
 
Pierre-René Serna
 
(1) lire le CR : www.concertclassic.com/article/le-te-deum-de-berlioz-la-philharmonie-de-paris-fastueux-compte-rendu
 
 Théâtre antique de Vienne, Festival Berlioz, 21 août 2015

Photo Nicolas Courjal @ Delphine Warin / Festival Berlioz

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