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​Sasha J. Blondeau et Varèse par l’Orchestre de Paris (dir. Alain Altinoglu) au Festival ManiFeste 2023 - Épopée multiple - Compte-rendu

 
L’Orchestre de Paris s’inscrit avec faste dans le cadre du Festival ManiFeste de l’Ircam offrant une création d’envergure ainsi que le peu fréquent et toujours imposant Amériques d’Edgar Varèse, sous la baguette très investie d'Alain Altinoglu (photo). Cortèges, pour chanteur-danseur, grand orchestre et électronique, constitue une création due à Sasha J. Blondeau (né en 1986), sur un livret d’Hélène Giannecchini et une chorégraphie de François Chaignaud.
 

Sasha J. Blondeau et Alain Altinoglu en répétition ©  Mathias Benguigui

L’œuvre se distingue à tous égards : par sa présentation sur le vaste plateau de la grande salle de la Philharmonie où, au centre, s’ébat dans des poses contorsionnées le danseur Chaignaud qui prête sa voix (amplifiée) pour une déclamation et des passages de vocalise, tandis que l’orchestre est réparti sur les trois côtés de la scène, mais aussi par petits groupes dans les hauteurs de la salle. L’ensemble est vite prenant, sur une musique démultipliée que ponctue une électronique de sons de synthèse (technique Ircam réalisée par Serge Lemouton), un mouvement physique tout aussi incessant pour le danseur-diseur-chanteur, sous des lumières changeantes (signées Anthony Merlaud). Le texte d’Hélène Giannecchini, arc narratif évocateur des manières d’un « individu de se tenir dans la foule », intervient comme une part de rêve. Moment hors normes, comme suspendu et attachante réussite.
 

François Chaignaud ©  Mathias Benguigui
 
Après un long entracte destiné à remettre sièges et pupitres dans une disposition traditionnelle, place à Varèse. Densité 21,5 ouvre le ban, servie par la virtuosité frémissante de Vicens Prats, première flûte solo de l’Orchestre de Paris. Il lui revient ensuite de lancer par une note-pivot le début d’Amériques. Tout l’orchestre alors se déploie dans cette succession où les masses sonores varient en intensité et densité au cours d'une partition d’une puissance peu commune, inentamée depuis sa création il y a près d’un siècle – et dont la découverte s'avéra décisive ô combien ! pour André Jolivet.
 

Vincens Prats ©  Mathias Benguigui

On note que c’est la seconde version, celle de la première parisienne de 1929 (par Gaston Poulet), pour un effectif orchestral plus habituel qui a été retenue, et non celle, très étoffée (142 musiciens !), de la création à Philadelphie en 1926, sous la baguette de Stokowski. L’expression générale n’en est pas moins à son apogée, dans ses débordements comme ses tensions. Alain Altinoglu livre ses forces tempétueuses avec vigueur et pression, tout comme il s’était acquitté avec une même flamme de Cortèges. Concert rare et moment d’exception.
 
Pierre-René Serna
 

 Paris, Philharmonie, Grande Salle, 9 juin 2023
 
 
Photo © Mathias Benguigui

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