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Journées de Zarzuela à Cuenca - L’art lyrique espagnol en tous ses états - Compte-rendu

La zarzuela connaît en Espagne un indéniable regain. En témoignent les journées “ Horizons de la Zarzuela ” célébrées à Cuenca, délicieuse bourgade (déclarée Patrimoine de l’Humanité par l’Unesco) sur un piton rocheux au cœur de la Mancha de Don Quichotte, à 200 km à l’Est de Madrid mais seulement une heure d’AVE (le TGV espagnol). L’organisation et l’initiative reviennent à la “ Fundación Guerrero ”(1), entreprenante fondation en hommage au compositeur de zarzuelas Jacinto Guerrero attachée à défendre ce répertoire, et à sa dynamique directrice, Rosa María García Castellanos. Une organisation impeccable réglée dans les moindres détails. C’est ainsi qu’un colloque marathon réunit une quarantaine d’intervenants, musicologues, artistes (comme le chef d’orchestre Rafael Frühbeck de Burgos, qui a ces mots : “ Il faut diriger la zarzuela comme on dirige Beethoven ! ”), metteurs en scène (Mario Gas, par exemple) ou directeurs d’institutions (Paolo Pinamonti, actuel directeur du Teatro de la Zarzuela de Madrid). Devant un public fervent et souvent jeune, comme nombre des spécialistes réunis, sont évoqués les travaux concourant à conforter ce répertoire : archives, recherche musicologique, édition de partitions critiques, diffusion… Le tout entrecoupé de concerts et spectacles. L’impression qui s’en dégage est non seulement que la zarzuela reste plus vive que jamais, mais promise à un bel avenir.

En illustration aux débats, s’intercalent donc des moments musicaux. La première soirée est, curieusement, cinématographique, avec la projection d’une pellicule de 1923 – muette ! – fraîchement restaurée par les soins de la Cinémathèque de Saragosse : Alma de Dios, d’après la zarzuela éponyme de José Serrano (datée, elle, de 1907), accompagnée au piano par les doigts experts de Javier Artigas, reprenant les magnifiques thèmes mélodiques de l’œuvre, à l’occasion chantés par l’assistance ; comme il était de coutume pour l’époque en Espagne. Une leçon de cinéma mais aussi de nostalgie qui, en outre, met en exergue l’audace du livret de la zarzuela de Serrano : une femme porteuse d’un enfant illégitime et rejetée par son entourage.

La seconde soirée laisse place à un concert, avec des extraits de zarzuelas de Chapí, Torroba, Guridi, López Torregrosa, Chueca ou Vives, dont nombre de pages récupérées (encore un acquis des recherches actuelles !). La grande salle du Teatro-Auditorio de Cuenca, bâti il y a un peu moins d’une vingtaine d’années, sonne avec éclat. On pourrait se croire, un instant, à Berlin, si ce n’est que la Philharmonie de la capitale allemande ne saurait prétendre à la même qualité acoustique que l’auditorium de cette petite ville de 50 000 habitants. Officie l’Orchestre de Cordoue, brillante formation avec ses cuivres tempétueux, sous la battue électrisée de Nacho de Paz(photo), tout jeune chef connu surtout dans le domaine de la musique contemporaine (ou la zarzuela par-delà les frontières esthétiques !). Le vibrant Chœur de Cuenca, Javier Argullo, étincelant ténor qui rappellerait le jeune Domingo, Elisandra Melián, soprano aux aigus agiles et récente lauréate du Concours de chant Guerrero, complètent une soirée de concert du plus haut niveau, tous genres confondus.

Vient aussi se glisser un pétillant petit spectacle, “ Zarzuela para niños ”. Ou des bouts de zarzuelas pour les enfants, sous l’égide de la compagnie Zarzuguiñol, avec chanteurs, un piano et des marionnettes grandeur nature. Et sans aucun microphone ni autre sonorisation intempestive ! Les gamins, invités à participer, en redemandent. Tout comme les adultes. Et enfin – surprise ! – les journées se ferment sur un spectacle non annoncé, faussement improvisé mais bien concocté : trois acteurs, poussant parfois la note, une chanteuse et un pianiste retracent avec bagout des épisodes croustillants de la carrière de Jacinto Guerrero (1895-1951) et en livrent des passages musicaux. Feu d’artifice final. Tout cela atteste la bonne santé de la zarzuela, qui n’attend plus qu’à mieux s’exporter au-delà des Pyrénées.

Pierre-René Serna

(1) www.fundacionguerrero.com

“ HoriZontes de la Zarzuela ” - Cuenca, Espagne, 27-29 septembre 2013

A noter : A l’affiche du Teatro de la Zarzuela de Madrid, du 19 octobre au 10 novembre, Los amores de la Inés (1902), rare ouvrage d’Emilio Duigi et Manuel de Falla, et La verbena de la Paloma de Ricardo de la Vega et Tomás Bretón.
Rens. : http://teatrodelazarzuela.mcu.es

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Photo : Santiago Torralba

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