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​Iván Fischer dirige le Budapest Festival Orchestra à Dresde – La modestie est la politesse des grands – Compte-rendu

 
Le chef Iván Fischer et le Budapest Festival Orchestra sont pour un soir les invités du Festival musical de Dresde, manifestation qui, depuis près d’un demi-siècle, a vu se produire les plus grands noms de la musique classique dans la grande salle de concert, récemment refaite à neuf, de son Kulturpalast inauguré en 1969.
Qui dit phalange magyare dit hommage au plus célèbre compositeur qu’ait engendré la Hongrie, même s’il fit ses études en France et vécut en Allemagne : Franz Liszt, auquel est consacrée toute la première partie du concert. Ouverture éclatante avec la  Rhapsodie hongroise n° 2 dans son arrangement pour orchestre, et dans la version la plus hongroise possible puisque l’on a placé juste à côté du chef un cymbalum. L’instrument national semble d’abord purement décoratif, car il faut vraiment tendre l’oreille pour l’entendre, face à un orchestre opulent où six contrebasses et huit violoncelles soulignent à plaisir le côté râpeux de leurs accords. Mais des dernières minutes de l’œuvre, le soliste Jenö Lisztes se voit enfin offrir l’occasion de briller à découvert, et les sonorités si particulières du cymbalum s’imposent et justifient pleinement son inclusion.
 

Alexandre Kantorow © Olivier Killig
 
Vient ensuite le Concerto pour piano et orchestre n° 2, pour lequel on a fait venir le nouveau pianiste français que l’on s’arrache : Alexandre Kantorow. C’est un grand jeune homme tout simple qui fait son entrée sous les applaudissements, pour interpréter cette partition célèbre, et il le fait évidemment avec la virtuosité ébouriffante qu’exige l'ouvrage, mais une virtuosité jamais gratuite, qui ne relève jamais de l’étalage ou du m’as-tu-vu, comme si l’artiste se contentait d’une place modeste au sein de l’orchestre, dialoguant aimablement, d’égal à égal, avec la flûte ou le violoncelle solo. Très chaleureusement acclamé, Alexandre Kantorow ne se fait pas prier pour accorder un bis : Vers la flamme, de Scriabine, où là encore sa virtuosité semble comme s’effacer au service des ambitions spirituelles du compositeur.
 

Camilla Hagen © Olivier Killig
 
Après l’entracte, c’est le tour de Gustav Mahler, et pour l’exécution de sa Symphonie n°4 Iván Fischer n’a aucun mal à faire prendre à son orchestre les accents viennois de rigueur. Pour le premier mouvement, le percussionniste qui manipule les grelots apparaît d’abord près du chef, puis s’enfonce bientôt parmi les rangs d’instrumentistes pour rejoindre sa place habituelle. Au deuxième mouvement, c’est le cor solo qui occupera cette place, tandis que le violon solo apporte la saveur de bal populaire voulue par Mahler. L’Adagio a quelque chose de plus insaisissable, avec par instants des phrases qui semblent annoncer le fameux mouvement lent de la Cinquième, mais par instants seulement. En conclusion, une nouvelle soliste apparaît : Mirella Hagen, qui vient chanter Das himmlische Leben, texte tiré du Knabes Wunderhorn. La soprano était en mars dernier à Versailles dans Alcina, où elle proposait une Morgana pétillante.(1) Elle doit cette fois lutter contre un orchestre beaucoup plus consistant, et l’on aimerait parfois que la voix, certes charmeuse, soit plus sonore.
A l’issue de cette deuxième partie, Iván Fischer concède à son tour un bis, mais des plus imprévus : sur un signal du chef, tous les instrumentistes se mettent à traverser le plateau pour former un tout autre ensemble, vocal cette fois, et c’est métamorphosés en choristes qu’ils chantent, soutenus par quelques instruments, un court extrait des Vêpres d’un confesseur de Mozart, Mirella Hagen se chargeant de l’Amen.
 
Laurent Bury

(1) www.concertclassic.com/article/alcina-lopera-royal-de-versailles-les-plaisirs-de-lile-enchantee-compte-rendu
 
Dresdner Musikfestspiele, Kulturpalast, 1er juin 2022
 
Photo © Olivier Killig

      

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