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Finale du 9ème Concours de chant-piano Nadia et Lili Boulanger – Confirmations et découvertes – Compte-rendu

Une compétition, des prix ? Certes, mais le Concours Nadia et Lili Boulanger est d’abord, surtout, un moment précieux qui, tous les deux ans, rassemble un auditoire amoureux de la mélodie et du lied – répertoire d’une fabuleuse richesse auquel, de façon générale, le public féru de lyrique n’accorde pas l’intérêt qu’il mérite – autour de jeunes duos chant-piano. Ils étaient 31 sur la ligne de départ pour cette 9ème édition, se soumettant au jugement d’un beau jury présidé par le chef d’orchestre Ronald Zollman et constitué de Gilles Cachemaille, Véronique Gens, Anne Crappotte, Raùl Herrera, Vincent Le Texier, David Lively, Felicity Palmer et Maciej Pikulski.

Six duos restaient en lice pour la finale, dans la salle du Conservatoire d’Art Dramatique, avec des programmes diversifiés, entre mélodie française, lied et mélodies d’autres pays (Italie, Espagne, Finlande, Russie, Angleterre, Etats-Unis), sans oublier la commande et création imposée du 9ème Concours : Sonnet, pièce de Benoît Mernier sur un poème de Catherine des Roches.

A Ambroisine Bré (mezzo, photo) et sa pianiste Quiaochu Li (photo) revient le Grand Prix de Duo. On a eu l’occasion de souligner les qualités de la chanteuse française cet été à la suite du concert des Révélations Classiques Adami 2017 (1). A nouveau, son intense musicalité et sa profonde simplicité forcent l’admiration. Elle se révèle autant à son aise dans Lili Boulanger (Reflets) que Sibelius, Duparc (une très émouvante Chanson triste) que Poulenc (Nos souvenirs qui chantent, d’une élégance et d’un charme prégnants) ou Kurt Weill (Surabaya Johnny)  et parvient à créer un merveilleux espace poétique dans l’ouvrage de B. Mernier, finement secondée par le clavier de Q. Li. La mention spéciale pour l’interprétation du Sonnet de B. Mernier revient d’ailleurs au duo Bré-Li.

Sophia Burgos et Daniel Gerzenberg © CNLB

Découverte en revanche s’agissant du duo formé de la soprano américaine Sophia Burgos et de l’Allemand Daniel Gerzenberg, que récompense le Prix de Lied. Présence scénique, richesse du timbre : portée par le jeu très vivant de son accompagnateur, la soprano manifeste un grand sens de la caractérisation, saisissant d’emblée son auditoire avec de merveilleux Memories de Ives, avant de signer une Nana (Falla) très rêveuse, des Fantoches (Debussy) légers et mobiles et des Filles de Cadix (Delibes) sexy à souhait, mais aussi un prenant The Secrets of the Old de Barber ou encore un Sonnet de Mernier dont la chanteuse – en parfaite entente avec son pianiste – assume totalement l’érotisme. Le Duo Burgos/Gerzenberg a par ailleurs obtenu le Prix de l’Académie Francis Poulenc.

Marie-Laure Garnier (à dr.) et Célia Oneto-Bensaid © CNLB

Le talent de Marie-Laure Garnier (soprano) n’est plus à dire et a déjà été souligné dans nos colonnes, que ce soit lors du concert des Révélations Adami 2013(2) ou, récemment, dans le cadre des Pages Musicales de Lagrasse(3). Au côté de la pianiste Célia Oneto-Bensaid (sa partenaire attitrée, avec laquelle elle forme le Duo Nitescence), la soprano remporte le Prix de Mélodie au terme d’une finale où l’on a une fois de plus apprécié l’ampleur et la richesse de son instrument, d’une souplesse exemplaire, avec toujours autant de facilité et de plénitude dans l’aigu (magnifiques Eaux printanières de Rachmaninov et Ablosung im Sommer de Mahler). Il convient de saluer aussi la prégnance poétique de Green (Fauré), d’Attente (L. Boulanger) ou encore de Verzagen (n° 4 des Fünf Gesänge op. 72 de Brahms), au cours d’une épreuve qu’une Afrikanischer Tanz de Zemlinsky, très enlevée, refermait avec énergie.

Les lauréats et le jury © CNLB

Reste que six duos participaient à une finale de haut niveau et qu’aucun d'entre eux n’a démérité : on a été très sensible au caractère et à l’émotion qui se dégageaient de la prestation du baryton Jean Christophe Fillol, bien aidé par le jeu vivant (très attentif aux parties intermédiaires) de Daniel Rudolph (grands moments que le Non t’amo più de Tosti et le Nachstück D. 672 de Schubert – suivi d’un long et éloquent silence du public ...), mais aussi au programme de Marianne Croux et Bianca Chilemmi (très beaux Soir d’hiver de Nadia Boulanger et Vöglein Schwermut de Zemlinsky – dans un excellent allemand), même si la soprano nous est apparue en deçà de son concert à Prades cet été (3) – elle fait elle aussi partie des Révélations Adami 2017 – ou, puisque ces lignes sont écrites à quelque distance du Concours, de la remarquable Jeune femme que M. Croux campe en ce moment dans la Ronde de Boesmans, en compagnie de ses collègues de l’Académie de l’Opéra, à l’Amphithéâtre Bastille (4).
Enfin, malgré un indéniable présence scénique (et des Gurney ou Judith Weir réussis), la manière assez distante et monochrome du baryton anglais Henry Neill, guère aidé par le piano pâlichon de Somi Kim, nous a laissé plutôt dubitatif. 

Rendez-vous en 2019 pour le 10ème Concours.

Alain Cochard

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(1) www.concertclassic.com/article/les-revelations-classiques-adami-2017-au-festival-pablo-casals-beau-millesime-compte-rendu
(2) www.concertclassic.com/article/les-revelations-classiques-de-ladami-prades-pepites-davenir-compte-rendu
(3) www.concertclassic.com/article/les-pages-musicales-de-lagrasse-enchantement-et-revelation-compte-rendu
(4) www.concertclassic.com/article/la-ronde-de-philippe-boesmans-par-lacademie-de-lopera-de-paris-fluidite-et-energie
 
 
Paris, Salle du Conservatoire d’Art Dramatique, 29 octobre 2017
Site du Concours Nadia et Lili Boulanger : cnlb.fr/bfr/concours/acc_concours.html

Photo © CNLB

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