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La Ronde de Philippe Boesmans par l’Académie de l’Opéra de Paris – Fluidité et énergie collective

Atelier lyrique autrefois, Académie aujourd’hui, la structure de formation de jeunes chanteurs de l’Opéra de Paris, menée de main de maître par Christian Schirm, contribue depuis longtemps  – et d’irremplaçable façon – à l’émergence de talents vocaux. On était curieux du nouveau spectacle de l’Académie, dédié à La Ronde de Philippe Boesmans ; le travail accompli par les dix jeunes interprètes impliqués dans cette production aura particulièrement convaincu, tant du point vue scénique que vocal.

Une belle énergie collective se dégage d’une Ronde qui bénéficie de présence à la régie de Christiane Lutz. Espace plutôt contraignant pour le metteur en scène, l’Amphithéâtre Bastille est ici le cadre d’une proposition aussi simple que futée, appuyée sur la scénographie et les vidéos (pour une partie tournées de nuit juste devant l’Opéra Bastille) de Christian Andre Tabakoff et les lumières de Daniel Lévy (sans oublier les costumes de Natascha Maraval). Il en résulte un spectacle d’une grande fluidité, avec divers déplacements d’accessoires à vue.
 
Fluidité qui tient aussi à la remarquable prestation des jeunes instrumentistes de l’Orchestre-Atelier Ostinato, admirablement conduit par Jean Deroyer. Installée à l’extrémité cour de l’Amphithéâtre, la formation donne l’ouvrage dans l’orchestration de Fabrizio Cassol ; un effectif allégé, « mieux adapté pour de jeunes chanteurs » remarque Boesmans (qui est présent parmi le public le soir de la première). Précis, subtil dans les enchaînements, saisissant toutes les nuances de caractère d’une partition « où l’on traite de sujets profonds sur un ton léger » (Boesmans dixit), le chef est un précieux allié pour des chanteurs qui peuvent lui faire confiance et se laisser porter par sa direction vive, suggestive et fouillée.

Danylo Matviiendo (le Comte) & Sofija Petrović (la Cantatrice) © Studio J’adore Ce Que Vous Faites - OnP

Dix chanteurs, dix scènes enchaînées, un équilibre entre les interventions des divers protagonistes : on croirait presque que La Ronde a été écrite pour mettre équitablement en valeur les divers membres de l’Académie de l’Opéra : Juan de Dios Mateos (le Soldat) et Sarah Shine (la Prostituée), très touchants l’un et l’autre, Jeanne Ireland (la Femme de chambre), dont le riche instrument et le sens théâtral font merveille lors de la scène avec le Jeune homme de Maciej Kwasnikowski, ce dernier pas moins séduisant face à la parfaite Jeune femme de Marianne Croux. Changement de ton pour cette dernière face à Mateusz Hoedt (le Mari), lorsqu’il s’agit de traduire – d'aussi juste façon – la pesanteur de la routine conjugale, et vraie métamorphose ensuite pour M. Hoedt quand il part à la conquête de la Jeune fille au timbre fruité de Farrah El Dibanih.
Transformé en photographe de mode par la metteuse en scène, Jean-François Marras signe un convaincant Poète, encore un peu à la recherche de ses marques lors de la première. Sofija Petrović, longue silhouette, chevelure rousse et moyens vocaux superlatifs est la plus « diva » des Cantatrice. Quant à Danylo Matviiendo (le Comte), il possède la stature tant physique que vocale de son personnage et lui apporte une très opportune pointe de détachement .

Un remarquable travail d’équipe. Encore quatre représentations (les 6, 8 10 et 11 novembre) : ne manquez pas la belle Ronde de rentrée de l’Académie de l’Opéra !

Alain Cochard

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Boesmans : La Ronde (orch. F. Cassol) – Paris, Amphithéâtre Bastille, 2 novembre, prochaine représentation les 6, 8, 10 et 11 novembre 2017  / www.operadeparis.fr/saison-17-18/opera/la-ronde
 
Photo : Jeanne Ireland (la Femme de chambre) & Maciej Kwasnikowski (le Jeune homme)  © Studio J’adore Ce Que Vous Faites - OnP

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