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Festival Pablo Casals de Prades 2022 – La jeunesse au premier plan

 
Une page s’est tournée l’an dernier avec l’arrivée de Pierre Bleuse (photo) à la tête du Festival de Prades. « C’est un grand honneur et une grande responsabilité, confie le successeur de Michel Lethiec, que de reprendre la direction artistique de ce qui fut à l’origine l’un des premiers grands festivals internationaux. (1) La difficulté était de réfléchir à un héritage  – qu’est-ce que Casals nous a laissé ; qu’est-ce que Casals nous raconte ? – sans être écrasé par lui. » « Inspiré par l’âme et l’exemple » de l’illustre artiste catalan, Pierre Bleuse a conçu une programmation adaptée à l’époque présente — et à la situation engendrée par les répercussions de la crise sanitaire.
 

Pierre Bleuse à la tête de l'Orchestre du Festival en 2021 © Camera Lucida
 
Une place centrale pour l’Orchestre du Festival

 « Une Académie d’été, comme on en trouve d’autres ailleurs, existait à Prades. J’ai eu envie de repenser les choses en fonction de la situation des jeunes musiciens ; de garder la jeunesse au centre du projet et la mettre au premier plan. Je ne vous cache par que j’ai été contacté par des orchestres, mais je voulais créer quelque chose de particulier à Prades et j’ai décidé de recréer l’Orchestre du Festival, qui existait du temps de Casals — Casals était violoncelliste mais aussi chef et a créé des orchestres partout où il est passé. »
 

Le Quatuor Dutilleux © Benguigui

Inspiré par l’exemple américain du Festival de Marlboro « où l’on apprend en situation de scène, de concert », mais aussi par ceux du Mahler Chamber Orchestra et de l’Orchestre de Chambre d’Europe, formations-écoles « qui ont permis à de jeunes musiciens de prendre leur destin en main », Pierre Bleuse a constitué un orchestre du chambre avec plus de 35 jeunes talents européens.
Issus du CNSMDP, de l’Escola Superior de Música de Catalunya (Esmuc), de la Haute Ecole de Musique Vaud Valais Fribourg (HEMU), de l’International Menuhin Music Academy et de la Norwegian Academy of Music, ces instrumentistes, « sont présents pendant toute la durée du Festival, considérés comme des artistes à part entière et rémunérés, souligne le directeur artistique. Ils ont aussi la possibilité de rencontrer les grands noms de passage au Festival, – auxquels je demande de rester deux jours au minimum à Prades — pour partager un moment sous forme de discussion ou de masterclass. J’envisage plus cela comme une transmission entre collègues de générations différentes que de professeur à élève. »
 

Le Klarthe Quintet © MPD

Des talents bien entourés
 
Mais à côté de ces rencontres avec tel ou tel artiste invité au Festival, deux formations constituées, l’une à cordes l’autre à vent, déjà présentes l’an dernier, assurent à nouveau ce que l’on pourrait qualifier d’accompagnement structurant. Les membres du Quatuor Dutilleux et du Klarthe Quintet sont en effet à l’œuvre auprès des jeunes instrumentistes, soit en tant que chefs de pupitre de l’Orchestre du Festival, soit pour compléter, guider et enrichir de leur conseils des cadets impliqués dans la série « Jeunes Talents & Friends » que l’édition 2022 propose du 31 juillet au 9 août (à 11h dans tous le cas) dans des églises avoisinantes de Prades.
 

Daniel Müller-Schott © DR

A ces six concerts de musique de chambre s’ajoutent les trois concerts de l’Orchestre à l’Abbaye St Michel de Cuxa. Neuf rendez-vous au total donc, d’autant plus formateurs pour les jeunes artistes que les programmes symphoniques leur offriront la chance de dialoguer avec de remarquables solistes : Daniel Müller-Schott (violoncelle) (29/07), Alina Pogotskina(violon) (5/08) et Emmanuel Pahud (12/08), la baguette étant partagée entre Pierre Bleuse (29/07 & 12/08) et un chef bien rare en France : le Suisse Thierry Fischer. 
 

Le Cuarteto Casals © Igor Cat

Susciter des rencontres
 
Tandis que d’autres festivals multiplient l’accueil d’artistes et de programmes « en tournée », participant de ce fait à un rétrécissement de l’offre globale proposée aux mélomanes, Prades, il faut s’en féliciter, va à rebours de cette fâcheuse tendance en privilégiant des programmes singuliers et en suscitant des rencontres inattendues. Ainsi dès le 30 juillet, Marie-Laure Garnier – que le festival avait découverte en 2013 lors d’un concert des Révélations Adami à Cattlar (2) – fera équipe avec le Quatuor Dutilleux dans Respighi et Schubert. Pierre Bleuse ne cèle pas sa profonde admiration pour la soprano française, pas plus que celle qu’il éprouve envers Timothy Ridout, Benjamin Beilman, Victor Julien-Laferrière et Louis Schwitzgebel. Tant et si bien qu’il a demandé à ces quatre figures de la nouvelle génération de concevoir un programme de quatuors avec piano (Mahler, Dvorak, Lekeu) spécialement pour l’édition 2022 – à découvrir à St Michel de Cuxa le 10 août. Quant à Léa Desandre, William Christie et Thomas Dunford, leur association est plus attendue certes, mais le programme qu’ils ont concocté augure de belles surprises – de Charpentier à Barbara en passant par Hahn et Offenbach ! (9/08)
On ne sera pas moins attentif aux soirées chambristes qui s’annoncent avec les duos formés par Yulianna Avdeeva et Diana Tishchenko (2/08) – Grand Prix du Concours Long Thibaud 2018, que l’on a peu entendue en France depuis – ou par Steven Isserlis et Jean-Efflam Bavouzet (3/08), avec le Cuarteto Casals (4/08) – pour la toute première fois à Prades ! – ou encore le Klarthe Quintet (8/08) dans de rares opus de Nielsen et Onslow entre autres. 
 

La Maîtrise Saint-Pierre de Prades © DR 

Les forces locales impliquées
 
Comme par le passé, l’Abbaye St Michel de Cuxa demeure au cœur de la géographie du festival. Mais celui-ci ne délaisse pas l’église Saint-Pierre de Prades, qui accueillera le Quatuor Arod (6/08), puis une journée autour de la voix et des chœurs (7/08), à laquelle Pierre Bleuse tient à l’évidence beaucoup et entend pérenniser. La messe dominicale fera appel au Chœur Altitude et à la Maîtrise Saint-Joseph de Prades, dirigés par Cyprien Sadek, ensembles et chef que l’on retrouvera en fin de journée dans des pages de Bach, Nystedt, Pärt et Taverner. Il faut voir là la volonté du directeur artistique de mettre en valeur une maîtrise créée un peu avant la crise sanitaire et qui, après un démarrage compliqué on l’imagine sans mal, se développe désormais. « Cyprien Sadek, que l’on connaît pour son travail à la Maîtrise de la Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, est venu s’installer à Prades avec sa famille, précise Pierre Bleuse. Son projet m’a paru magnifique et j’ai souhaité que le Festival soit là pour le soutenir. »
 

Odile Auboin © Ensemble Flashback

Une création mondiale dans la Grotte des Canalettes
 
A cette implication de forces locales dans le festival, il faut ajouter la participation d’un voisin proche : l’ensemble perpignanais Flashback, « une remarquable formation de musique électroacoustique » que Pierre Bleuse a tenu inscrire à l’affiche pour une création mondiale signée Lara Morciano, avec l’altiste Odile Auboin (membre de l'Ensemble Intercontemporain) en soliste, et deux pièces de Grégoire Simon et Alexandre Vert. On les découvrira le 11 août dans la Grotte des Canalettes accompagnées d’une scénographie visuelle conçue par Thomas Pénanguer.

Enfin, les mélomanes noctambules noteront la possibilité qui leur est désormais offerte de prolonger la soirée dans le cadre du « Club » au parc du Château Pams, avec des rendez-vous sous le signe du jazz, de la chanson française et de la musique populaire (l’éblouissant guitariste brésilien Yamandu Costa sera présent le 5 août).
 
Alain Cochard
(Entretien avec Pierre Bleuse réalisé le 30 juin 2022)
 

(1) Le Festival de Prades est né en 1950

(2) www.concertclassic.com/article/les-revelations-classiques-de-ladami-prades-pepites-davenir-compte-rendu
 
Festival Pablo Casals - Prades
Du 29 juillet au 12 août 2022

prades-festival-casals.com/programme-2022/

Photo © MPD

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