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Festival du Vigan 2025 – Belles Moissons musicales – Compte rendu

Au cœur des rudes et fortes Cévennes, c’est une bulle de paix au cœur d’un grand parc que le Château de Mareilles, rafraîchi d’un jardin évoquant l’Italie renaissante. Et la musique vient se nicher au pied d’une de ses façades en des moments de convivialité raffinée où le public se serre pour goûter des instants d’exception. Depuis quelques années, le pianiste Christian Debrus, fondateur et âme de ce festival de charme, a pu y faire entendre de beaux artistes, dans d’idéales conditions. Mais cette année, on ne peut évoquer sans un serrement de cœur un concert à nulle autre pareil, celui qu’y donna en 2023 la grande mezzo Béatrice Uria-Monzon, notre Carmen : voix un peu fatiguée sans doute, à force d’avoir touché tant de publics, mais une brassée d’airs ibériques qui la ramenaient à ses racines. Et pour ceux qui eurent la chance d’être présents, l’empreinte de sa classe, de son élégance et sa superbe robe turquoise resteront gravées sur ces murs. Car ce fut le dernier concert public de cette grande amie de Christian Debrus, disparue ce 19 juillet …
Des doigts vitaminés
Ici, en ouverture , c’était au tour du brillant pianiste russe Nikolaï Kuznetsov (photo), vainqueur des Piano Masters de Monte-Carlo 2012, de distiller une succession de pièces parfois adaptées par lui-même, et qui faisaient parcourir un vaste univers : Bach, Albinoni, Liszt, Chopin, ont résonné, sous ses doigts vitaminés, avec couleur et poésie. Et si la Sonate « Clair de lune » de Beethoven fut moins habitée, et son final Ppresto agitato décidément agitatissimo, la série de pièces de Grieg , extraites de Peer Gynt, arrangées par Grigory Ginzburg, furent prenantes, avec leur exotisme endiablé et surtout leur indicible mélancolie. Le tout pour finir en furie sur l’incontournable Libertango de Piazzola, qui fait se soulever le public.

La Sportelle © François Le Guen
Du récital à la musique chorale
Une 49e édition donc, riche et variée, qui porte la musique d’un site à l’autre des Cévennes, et en permet une vision dédramatisée mais ô combien fine, puisque une soirée tango va alterner avec un quatuor de saxophones, que le hautbois de Jean-Louis Capezzali va se marier avec l’orgue de Adam Bernadac au Temple du Vigan, que la viole de Lucile Boulanger va précéder le romantisme brûlant du programme concocté par Adam Laloum, et que la Messe en ut de Beethoven, transposée pour chœurs, deux pianos et timbales, permettra au public de retrouver l’un des piliers du festival, Michel Piquemal, toujours fidèle avec ses Chœurs de l’Abbaye de Sylvanès. Tandis que les folies irrésistibles de l’univers yiddish enflammeront à nouveau le château de Mareilles, avec le Sirba Octet. Et bien d’autres… Sans parler du magnifique concert promis par l’ensemble La Sportelle (dit.Emmeran Rollin), qui fera dialoguer Bach et son fidèle servant Mendelssohn !
Cap sur la 50e édition
L’an prochain, l’heure sonnera du demi- siècle du festival, et la liste des formidables artistes qui auront livré ici toutes les nuances d’une musique vivante, colorée, plurielle, de village en village, de site en site, de voûte en voûte, laisse rêveur, car bien des présences auront marqué les souvenirs, ainsi l’apparition stupéfiante d’Aristo Sham, le jeune pianiste hongkongais tout récemment Médaille d’Or du concours Van Cliburn, ou l’exquise violoniste Iris Scialom (1). Sans parler de stars comme la belle Viorica Cortez, et Khatia Buniatishvili, à sa meilleure époque. On goûte donc la moisson de l’année, en se disant que tous les espoirs sont donc permis pour ce proche anniversaire…
Jacqueline Thuilleux

(1) Dont un très bel album Fauré, Ravel & Enesco sortira à la rentrée (Scala Music)
Château de Mareilles, 16 juillet 2025
Festival du Vigan, jusqu’au 20 août 2025 // www.festivalduvigan.fr/
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