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​Actéon par les Cris de Paris au Châtelet (Streaming) – Filmopéra – Compte-rendu

Aboutissement d’une longue tournée préparatoire, d’Ambronay à La Chaise-Dieu en passant par le Hardelot Midsummer Festival (voir les articles de Laurent Bury et Alain Cochard – (1), Actéon par les soins des Cris de Paris se transmute, de concert quelque peu animé devenu enfin réalisation scénique, filmée au Châtelet (ce 6 décembre et diffusée à partir du 16 février). Une réalisation exemplaire à de nombreux égards, ce qui n’étonne pas de la part de ce judicieux transmetteur qu’est Benjamin Lazar. Il est aussi à louer la captation en plan-séquence, mise en œuvre par Corentin Leconte.
 
© Les Cris de Paris 

Cette courte fable en un seul acte d’après Les Métamorphoses d’Ovide, créée en 1684 sur une musique de Marc-Antoine Charpentier, conte les mésaventures d’Actéon changé en cerf et dévoré par ses chiens pour avoir surpris au cours d’une chasse Diane et ses compagnes au bain. Prétexte à une musique fulgurante passant en quarante minutes du divertissement à la tragédie. Au Châtelet (sans public bien entendu), la restitution musicale bénéficie des Cris de Paris en grande formation, à l’inverse de l’ensemble grêle réduit à 7 chanteurs et 6 instrumentistes lors de la tournée. Heureuse chose. Le chœur, divisé en chant masculin (les chasseurs et les chiens) et féminin (les compagnes de Diane), se retrouve au complet avec 17 voix appropriées dans un souffle généreux. L’orchestre, qui retrouve ses dix participants, ne manque pas de relief sous la conduite pertinente de Geoffroy Jourdain. Les chanteurs solistes, au nombre de trois, pour incarner Actéon, Diane et en apparition finale Junon, ne faillissent pas à leur vocation : le ténor Constantin Goubet s’affirme avec prestance ; la soprano Adèle Carlier dispense un chant élancé ; et la mezzo Marielou Jacquard s’épanche ardemment – tous trois avec une élocution parfaitement intelligible 
 

Geoffroy Jourdain © DR

Quant à la mise en scène de B. Lazar, elle trouve le contexte d’un Châtelet vide, d’abord dans ses dessous et ses escaliers de coulisse, puis sur le plateau jonché d’un tapis et de feuilles mortes face à des balcons de salle déserts sous des lampes de veille. Les quelques autres éléments de décor, si l’on peut dire, se limitent à des aquariums accueillant des fleurs, un fauteuil, une toile de fond reproduite de Cheval attaqué par un jaguar du Douanier Rousseau et un praticable d’escalier pour finir lors de l’apparition de Junon. Le tout, entre de baroques flammes et fumées, sous des lumières blafardes de brume et d’éclairages parcimonieux ou rasants (signés Sylvain Séchet). Les costumes (conçus par Adeline Caron comme les décors), noirs de smoking pour les hommes avec fusils en bandoulière, blancs de robes évanescentes pour les dames assorties de branches de palme tout aussi immaculées, sont suffisamment évocateurs dans des mouvements appropriés, lancinants ou vifs. Les trois protagonistes principaux agissent dans des participations nuancées autant que réglées. La transformation du personnage central en cerf, avec masque de l’animal pourvu de bois, surgit à propos. Comme un songe !
 
S’ajoute, au commencement, la narration d’une comédienne, Judith Chemla, qui introduit par une déclamation quelque peu compassée et longuette la trame dramatique à venir. Assez superfétatoire, mais pourquoi pas pour situer l’action ?... Les deux caméras (l'une à l’épaule, l'autre sur grue) utilisées accomplissent des prouesses à la manière d’un cadre de scène. Un aboutissement pleinement assumé.
 
Pierre-René Serna

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