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Compte-rendu : Plus que jamais royaux - Les King's Singers à Gaveau

The King's Singers

Fondé en 1968, les King's Singers sont depuis longtemps entrés vivants dans la légende du chant choral anglais. Un monument, en quelque sorte, issu de la tradition maîtrisienne des collèges et cathédrales, la règle première étant ici le recours à un seul chanteur par partie. Amoureux des voyages à thème et d'un travail collégial hors de la tutelle d'un chef, l'ensemble ne cesse pas d'offrir à son public le profil d'une jeunesse quasiment immuable. Sans doute, bien de l'eau a coulé sous les ponts de la Tamise depuis les débuts de la formation. Et cependant, après plus de quarante années de musique partagée ensemble, les bons principes demeurent agissants, sous la nouveauté des visages, à commencer par un bonheur de son qui ignore le ronron du quotidien, de la routine.

Concerts à thèmes, avons-nous dit. Et de fait, leur dernier passage dans une Salle Gaveau sous le charme se faisait invite à la danse (Will you won't you join the Dance ?). Au gré d'un parcours qui, insularité oblige, privilégiait deux répertoires particulièrement chers à leur cœur : l'âge d'or polyphonique sous le règne de la Reine Vierge et les Folksongs et Traditionals.

Mis en rythme, en guise de préambule, par l'irrésistible Tanzen und Springen du Nurembergeois Hans-Leo Hassler (le premier Allemand à avoir fait le voyage de formation à Venise auprès des Gabrieli), les « King's » butinent ensuite avec volupté dans le jardin des délices élizabéthain, mais sans s'interdire quelques incursions bienvenues là où on ne les attendait pas vraiment : Schubert et le nocturne enchanté de Zum Rundtanz ou ce Quadrille du Homard, petit chef-d'œuvre de nonsense madrigalesque où Ligeti tend la main à Ionesco. Cependant que le salut à l'école française est idéalement formulé en trois noms qui ont valeur de symbole (Janequin le leste, Saint-Saëns le savant et Poulenc l'anticonformiste, à la fois sophistiqué et naturel).

Sans doute, certains trouveront à redire à ce tableau très élogieux, le savoir-faire, en tel endroit, ayant remplacé la grâce première qui vibrait dans les albums dits « historiques » de la formation (un miraculeux « Madrigal History Tour » vieux de vingt ans, chez EMI, entre autres). Mais si léger déficit poétique il y a parfois, la « manière », comme disait le XVIème siècle, reste toujours aussi séduisante, convaincante. Pour culminer dans cet impayable « ragoût » rustique qu'est le Round of Three Country Dances in One de Thomas Ravenscroft, écho d'une Angleterre rurale, fille du Moyen Age, où le rire et l'humour valent le dire (les truculents Country Cries du contemporain Richard Dering ne sont pas loin). Pour leur verve rhétorique et mélodique non pareille, les « King's », aujourd'hui comme hier, restent vraiment au-dessus du lot.

Roger Tellart

Paris, salle Gaveau, 19 janvier 2010

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Photo : DR
 

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