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​Louise de Gustave Charpentier selon Christof Loy au Festival d’Aix-en-Provence – Mauvaise fille – Compte-rendu

 
Louise est-elle réellement une « mauvaise fille » ? De celles que les familles mettaient entre les mains du docteur Charcot à la Salpêtrière, grand spécialiste à l’époque du traitement de l’hystérie par l’hypnose ? Toujours est-il que pour la première au Festival d’Aix-en-Provence d’une œuvre et d’un compositeur jusqu’alors jamais programmés ici, le metteur en scène Christof Loy a décidé d’un décor unique : la salle d’attente froide et impersonnelle d’un hôpital psychiatrique.
 

Elsa Dreisig (Louise) & Nicolas Courjal (Le Père) © Monika Rittershaus

 
Entre fantasmes, flashbacks et réalité

 
Choix bien loin d’être innocent pour y développer le parcours de vie, ou plutôt le rêve, d’une jeune fille étouffée par son environnement familial toxique – un père certainement incestueux et une mère diaboliquement jalouse et méchante – aspirant à la liberté et à l’amour d’un poète montmartrois, qui se révèlera être le médecin traitant de Louise. Devant une immense banquette vert foncé, la salle, dont les immenses fenêtres verticales s’ouvrent sur les toits de Paris, accueille les quatre actes, entre fantasmes, flashbacks et réalité, d’une œuvre (créée l’Opéra-Comique le 2 février 1900) qui connut un grand succès avant de tomber dans l’oubli au milieu du siècle dernier.
 

La fête bohème © Monika Rittershaus

 
Il convient en premier lieu, de souligner une solide direction d’acteur crédibilisant le propos, la réussite maîtrisée des scènes « à grand spectacle » que sont l’atelier de couture ou la fête bohème, toute gouaille dehors et hommages appuyés à Paris, terre d’amour(s), ainsi que la capacité à recentrer l’attention sur l’intimité psychologique des protagonistes, soit une réelle qualité du travail de Christof Loy, le metteur en scène et Etienne Pluss, le scénographe.

 

Sophie Koch (La Mère), Elsa Dreisig (Louise) & Nicolas Courjal ( Le Père) © Monika Rittershaus

 
Elsa Dreisig au sommet de son art
 
Mais n’en demeure pas moins évident qu’Elsa Dreisig, dans le rôle-titre, tient cette production à bout de bras. De la première à la dernière minute, la soprano convainc, séduit, émeut, maîtrisant son jeu et livrant une prestation vocale de haut vol avec un engagement total. Elle est aussi crédible en jeune fille renfermée et fragile qu’en muse de Montmartre libérée, adaptant, comme ses costumes, les couleurs et la puissance de sa voix aux situations qui sont les siennes. Une prestation majuscule.
On aurait aimé pouvoir en dire autant de « son amoureux », Julien le poète, incarné par le ténor Adam Smith. Hélas, dans la lignée de son Pinkerton l’été dernier ici même, ses aigus ont été défaillants à plusieurs reprises et seule sa présence scénique, quoiqu’un peu trop « agitée » parfois, lui confère de la crédibilité. Dans le rôle de la mère méchante et jalouse, Sophie Koch impose son savoir-faire tant scénique que vocal procurant toute sa dimension négative à son personnage. En père possessif et toxique, Nicolas Courjal, sombre voix de basse et vibrato parfois trop présent, impressionne surtout dans son accès de démence du dernier acte.

 

Giacomo Sagripanti © giacomosagripanti.com

 
Une direction équilibrée et nuancée
 
De la pléiade de seconds rôles, dont il est difficile ici de mettre en avant telle ou tel, jusqu’aux membres du chœur de l’Opéra de Lyon (dir. Benedict Kearns) et aux enfants de la maîtrise des Bouches-du-Rhône (dir. Samuel Coquard), l’homogénéité dans la qualité a permis à chacune et chacun d’assurer l’intérêt des interventions en solistes ainsi que des ensembles. Dans la fosse, pour servir ce roman musical aux riches couleurs et aux accents originaux, l’orchestre de l’Opéra de Lyon placé sous la direction attentive et précise de Giacomo Sagripanti propose une interprétation équilibrée et nuancée d'une partition qui préfigure, à l’aube du XXème siècle, l’évolution de l’opéra en France.
 
Michel Egéa
 

Charpentier : Louise – 77e Festival d’Aix, Grand Théâtre de Provence, 5 juillet ; prochaines représentations les 9, 11 et 13 juillet 2025 // festival-aix.com/programmation/opera/louise

© Monika Rittershaus

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