Avec La Calisto de Francesco Cavalli (1602-1676), le livre des grandes heures baroques du Festival d’Aix-en-Provence vient de s’enrichir d’un chapitre magistral. Les planètes étaient alignées en ce premier lundi de juillet pour célébrer la naissance d’une nouvelle étoile au firmament musical.
 
« Dramma per musica » d’après le livre II des Métamorphoses d’Ovide, l’ouvrage (créé en 1651 à Venise) conte l’histoire d’une nymphe, Calisto, abusée par Jupiter revêtu des traits de Diane, transformée en ourse par Junon jalouse et promue in fine en constellation scintillante. Un pitch complété par les amours, assouvis ou pas, et les manigances d’une petite cour pas toujours bien intentionnée…
La metteuse en scène néerlandaise Jetske Mijnssen n’a aucun mal à s’emparer du sujet pour y porter avec beaucoup de classe un regard actualisé qui ne manque ni d’intelligence, ni de réalisme, la petite société baroque pouvant être sans peine transposée à toutes les époques.

 

© Monika Rittershaus
 
Intrigue revisitée
 
Décors et costumes « Grand Siècle » sont de sortie accompagnés des us, coutumes et préséances de l’époque des Liaisons dangereuses. Tout juste peut-on regretter un trop plein d’élégance et de savoir-vivre qui atténue, voire occulte parfois, les turpitudes d’une société égoïste et cruelle. Mais les choses sont dites et, du début à la fin, tout est compréhensible, mise en scène et scénographie ne perturbant nullement l’excellence du travail vocal et musical. Jetske Mijnssen revisite donc l’intrigue avec un regard d’aujourd’hui qui accable en premier lieu, et à juste titre, Jupiter, pervers et manipulateur qui ne l’emportera pas au paradis puisque la Calisto, avant de s’élever vers la voûte céleste, lui transpercera le cœur à l’aide d’une longue épingle à cheveux. Une scintillante vengeance ! Promise à la chasteté, Diane, quant à elle, connaîtra l’amour en compagnie d’Endymion et Junon et, n’en doutons pas, se consolera …

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Anna Bonnatibus (Junon) & Dominic Sedgwick (Mercure)
 
La recomposition de Sébastien Daucé
 
Pour donner vie à ce spectacle aixois (en coproduction avec l’Opéra de Rennes, Angers-Nantes Opéra, le Théâtre des Champs-Elysées, le Théâtre de Caen, Correspondances, les Théâtres de la Ville de Luxembourg et de l’Opéra Grand Avignon), Sébastien Daucé a travaillé plus de deux ans à la restauration de la partition de Cavalli pour l’adapter à un effectif proportionné à l’Archevêché. Résultat somptueux : plus qu’une restauration c’est une recomposition qui a été pratiquée par le directeur musical de l’Ensemble Correspondances dont les nuances, la rigueur, les couleurs à tous les pupitres magnifient pendant près de trois heures l’un des fleurons de l’opéra vénitien, sous une direction élégante et sensible.
 

Dominic Sedgwick (Mercure), Lauranne Oliva (Calisto), Giuseppina Bridelli (Jupiter en Diane)  © Monika Rittershaus 
 
Une distribution très impliquée
 
Elégance et sensibilité dont ne manque pas Lauranne Oliva (photo à dr.), délicieuse Calisto dont les qualités de la ligne de chant complètent idéalement la présence scénique. Alex Rosen s’impose avec puissance en Jupiter, réussissant aussi sa partie travestie avec une voix de fausset maîtrisée. La Diane de Guiseppina Bridelli (photo à g.) fait preuve de noblesse et l’Endymion de Paul-Antoine Bénos-Djian excelle en amoureux transi. En Junon, Anna Bonitatibus impressionne dans son magistral air de l’acte III, voix chaude emplie d’émotion et de puissance. Dominic Sedgwick est un Mercure avec de faux airs de Leporello, David Portillo, Théo Imart et Douglas Ray Williams complétant idéalement une distribution très impliquée et visiblement très unie autour de cette production et de ses maître et maîtresse d’œuvre. Beau succès pour tous au milieu de la nuit aixoise ; on avait même oublié que le mistral a soufflé pendant toute la représentation !
 
Michel Egéa
 

 
Cavalli : La Calisto – 77e Festival d’Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché, 7 juillet ; prochaines représentations les 10, 12, 15, 16, 18, 20 & 21 juillet 2025 // festival-aix.com/programmation/opera/la-calisto

© Monika Rittershaus