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Rencontres du Thoronet - Une interview de Dominique Vellard

Directeur artistique des Rencontres Internationales de Musique Médiévale du Thoronet depuis leur fondation en 1991, le chanteur et pédagogue Dominique Vellard répond aux questions de concertclassic à propos d’une édition 2007 qui se prolonge en août avec la première édition d’une Académie de Musique Ancienne.

CC : La musique baroque remporte un énorme succès aujourd’hui, mais qu’en est-il du répertoire médiéval, quelle est l’attitude du public vis-à-vis de celui-ci ?

Dominique Vellard : J’ai l’impression que le public a reconnu la valeur intrinsèque de ce répertoire, dans sa spécificité. Mais il y a et il y aura toujours une sensibilité musicale plus portée sur lui ; un public plus ciblé que celui de la musique baroque, classique ou romantique. Ceci-dit, il n’y a plus à lutter avec une incompréhension comme c’était le cas avant quand cette musique faisait figure d’OVNI pour beaucoup de gens. Il y a toutefois un pas à faire vers les musique médiévales car elles sont éloignées de nous et difficiles à restituer. Un lieu comme l’Abbaye de Thoronet apparaît idéal car il est d’une telle richesse, du point de vue architectural et acoustique, que le chemin est moins difficile à parcourir de l’interprète au public. Je fais des concerts toute l’année dans des lieux très variés et je dois avouer que le son se révèle exceptionnellement beau au Thoronet.

Il reste que dans les musiques médiévales la part des interprètes est extrêmement importante. Le niveau de base des ensembles médiévaux a beaucoup monté durant ces dernières années, mais il faut un niveau d’excellence pour que le public soit véritablement touché, pour qu’il reçoive le message.

CC : Qu’est-ce qui vous a guidé dans la construction de la programmation des Rencontres Internationale de Musique Médiévale du Thoronet 2007 ; quels en sont les temps forts ?

Dominique Vellard : Les Rencontres comportent certaines constantes. Tous les ans, il y a un ou deux concerts de musique polyphonique. Nous avons la chance d’accueillir cette année un jeune ensemble de Leipzig, Amarcord. Nous avons aussi coutume d’inclure des musiques traditionnelles orientales, représentées cette fois par Chota-Divana, un ensemble du Rajahstan d’un très haut niveau où de jeunes musiciens et leurs aînés sont rassemblés. Par ailleurs, le chant spirituel judéo-espagnol est illustré par l’ensemble Alia Musica.

L’édition 2007 a la particularité de mettre en valeur des personnalités vocales solistes. Nous recevons par exemple Junko Ueda pour des épopées de l’ancien Japon lors d’une soirée où l’on entend par ailleurs un jeune baryton français, Marc Mauillon, dans des pages de Guillaume de Machaut. Cette mise en valeur de deux styles solistes de grande tradition se retrouve aussi dans le concert que je partage avec le chanteur marocain Nourredine Thahiri pour de chants sacrés de l’Islam et de la chrétienté médiévale. La voix délicate et poétique d’Anne Delafosse sera par ailleurs à l’honneur dans «Les Jardins de Courtoisie » ; un choix de chansons d’Adam de la Halle (un concert donné à l’église du Luc-en-Provence).

Quant au concert de Patrizia Bovi et Gilberte Casabianca, une chanteuse corse, il montre comment les traditions corse et italienne se retrouvent et comment la tradition s’est insérée dans la musique écrite du 14ème siècle. Enfin, sans rapport avec l’orientation qui fait la spécificité de l’année 2007, l’Ensemble Gilles Binchois conclut avec de la musique anglaise du 11e siècle.

CC : Du 19 au 28 août, le Thoronet innove avec une Académie de Musique Ancienne…

Dominique Vellard : C’est une première en effet et elle constitue le prolongement des Rencontres de Musique Médiévale. Il s’agit d’une académie de chant ancien divisée en trois volets : le répertoire polyphonique des 16e et 17e siècles, le chant grégorien, les rapports entre les musiques traditionnelles et les musiques anciennes. L’Académie débutera par un concert des professeurs - Gerd Türk et moi-même, avec Eugène Ferré (luth) et de Jean-Marc Aymes (continuo) - et se terminera par un concert de fin de stage réunissant les professeurs et les élèves.

CC : Quelle est la grande difficulté pour une voix dans l’approche du répertoire médiéval ?

Dominique Vellard : Nous sommes en France dans une culture où la musique polyphonique n’est pas très utilisée dans la formation musicale, par rapport à d’autres pays tels que l’Angleterre, l’Allemagne, ou même l’Espagne ou l’Italie où la musique polyphonique Renaissance est très souvent la base de la formation musicale. Ce n’est malheureusement pas le cas en France et cela s’entend car il y a des limites, même dans les ensembles professionnels qui pratiquent la musique baroque par exemple. La formation de base du chanteur est un peu négligée en France, même si je ne veux pas généraliser et si les choses progressivement s’arrangent. Il est fondamental pour un chanteur, même pour un chanteur soliste, d’apprendre à mener sa voix dans un contexte polyphonique. Il faut que les jeunes le fassent, sinon cela se remarque…

Propos recueillis par Alain Cochard

Rencontre Internationales de Musique Médiévale du Thoronet, du 17 au 24 juillet 2007
Rens. : 04 94 60 10 94
www.musiquemedievalethoronet.fr

Académie de Musique Ancienne, du 19 au 28 août 2007
Rens./inscr. : 03 80 33 60 75
vellard-rimmt@wanadoo.fr

Photo : DR
 

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