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La Damnation de Faust au TCE – Arte povera – Compte rendu

Les caisses sont vides, on le sait, il faut se serrer la ceinture, et l’heure n’est plus aux productions fastueuses. Après un Chevalier à la rose en décor unique à la fin de la saison dernière (1), le Théâtre des Champs-Elysées nous en donne encore une fois la preuve, avec une Damnation de Faust d’une insigne pauvreté.

© Vincent Pontet
Aucune richesse en cette pauvreté
Toute la première partie du spectacle se déroule au milieu de quelques panneaux de contreplaqué devant un rideau. Et contrairement à ce que l’on chante dans l’autre Faust, aucune richesse en cette pauvreté… Non que la mise en scène de Silvia Costa soit pauvre en idées – il y en aurait peut-être même trop, qui se superposent sans véritable cohérence : un Faust-petit garçon, qui dort d’abord sous un monceau de peluches et qui retrouve en conclusion son lit, bordé par sa maman Marguerite, avec un faux air de final de L’Enfant et les sortilèges, comme si c’était son apothéose à lui que chantait le chœur céleste ; un Méphisto arborant le béret militaire, dont la puissance surnaturelle se borne à brasser la fumée quand le livret fait intervenir sylphes et follets, car l’azote liquide, c’est moins cher qu’une troupe de danseurs, évidemment ; une Marguerite dont on assiste au procès après l’entracte, avec la même « trouvaille » que dans le Falstaff jadis mis en scène par Christoph Waltz à l’Opéra des Flandres, puisque l’on fait monter sur le plateau tout l’orchestre affublé de robes d’avocat, tout le budget décor ayant dû servir à construire l’échafaudage soudain dévoilé. Autre ressemblance avec ce Falstaff : l’ennui profond qui se dégage de ce spectacle, où les personnages restent souvent plantés ou assis à leur place. Le chœur reste en coulisses pendant toute la première partie (économie de costumes), à peine remplacé par la dizaine d’enfants de la maîtrise qu’on déguise en petits vieillards en guise d’étudiants pour le tableau de la taverne. Tout cela est bien long et peu passionnant.
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© Vincent Pontet
Une distribution inégale
Le problème, c’est que le versant musical ne donne qu’en partie l’occasion de s’enthousiasmer. Bien sûr, il y a Benjamin Bernheim en Faust, mais le personnage berliozien ne lui convient peut-être pas autant que le Werther qu’il campait sur cette même scène quelques mois auparavant : les premières scènes ne l’inspirent guère et il faut attendre qu’il chante son amour pour que tout se mette en place. Auparavant, on se dit qu’avec une voix intrinsèquement moins belle, Michael Spyres savait imposer une expressivité bien supérieure. Annoncée à grand fracas, Victoria Karkacheva n’est peut-être pas la révélation promise : le timbre est beau, la diction est soignée, mais le compte n’y est pas tout à fait (et combien de mezzos françaises auraient fait au moins aussi bien ?).

© Vincent Pontet
Quant à Christian Van Horn, les moyens sont indéniables, mais où est le personnage, avec son ironie et son entrain ? La basse américaine semble parfois s’ennuyer autant que le spectateur. Thomas Dolié fait très bien le très peu qu’il a à faire, le Chœur et la Maîtrise de Radio France (2) brillent (même si un problème d’acoustique retire hélas au chœur infernal un peu de ses dissonances) et Les Siècles ravissent par les couleurs de leurs instruments historiques – superbe introduction de « D’amour l’ardente flamme », notamment – mais la direction de Jakob Lehmann ne convainc pas toujours, parfois un peu lente quand on voudrait plus de fougue, parfois trop éloignée des phrasés que le texte pourrait inspirer. Une version de concert, telle que Berlioz l’a voulu, n’aurait peut-être pas été plus mal.
Notez que la présence des Siècles au Théâtre des Champs-Elysées offre l’occasion de retrouver l’Orchestre, le 14 novembre, sous la direction d’Antonello Manacorda et avec Isabelle Faust en soliste, dans un programme Beethoven ( Concerto op. 61), Berlioz (Symphonie fantastique) et Anibal Vidal (The Language That All Thinks Speak en création mondiale).(2)
Laurent Bury

> Les prochains concerts au Théâtre des Champs-Elysées <
(2) www.theatrechampselysees.fr/saison-2025-2026/orchestre/les-siecles
Hector Berlioz, La Damnation de Faust – Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 3 novembre ; prochaines représentations les 6, 12 & 15 novembre 2025 (19h30, 18h le 15) // www.theatrechampselysees.fr/saison-2025-2026/opera-mis-en-scene/damnation-de-faust
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