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​Les Contes d’Hoffmann à l’Opéra de Lyon – Sérieusement ? – Compte rendu

 

 
Pour cette production créée à Sydney en juillet 2023, et coproduite par Venise et Londres, entre autres, Damiano Michieletto semble avoir voulu tirer le côté fantastique des Contes d’Hoffmann vers la féerie pour enfants : dès le prologue, le plateau est occupé par six danseurs bondissants, et la Muse prend l’aspect d’une fée verte, non pas l’habituelle sylphide associée à l’absinthe, mais plutôt une ménagère de moins de cinquante ans munie de son cabas.
Cette brave dame introduit une autre chanteuse déguisée en oiseau, qui sera Nicklausse, le mot « perroquet » ayant été substitué à « écolier ». Pourquoi un perroquet ? Parce que c’est rigolo, parce que c’est joli ? On ne le saura jamais. Avant de chanter à nouveau dans l’épilogue, la dame verte viendra souffler un peu de poudre magique au début de chaque acte. Et les danseurs reviendront à intervalles réguliers – il faut bien justifier leur engagement – pour sautiller autour des protagonistes comme dans un dessin animé de Walt Disney. Tout cela n’est pas très sérieux, et compromet l’émotion qui devrait jaillir à plus d’un moment (le moyen de faire autrement, quand les danseurs sont habillés en diables cornus vêtus d’un pantalon à paillettes ?). Comme c’est désormais la tradition, tout l’acte d’Olympia tourne à la grosse rigolade, transposé dans une classe aux élèves particulièrement indisciplinés, et avec un cours de maths qui rappelle un peu L’Enfant et les sortilèges. Dommage, car le beau décor de Paolo Fantin méritait mieux.
 

© Paul Bourdrel 

 
Lourdeurs et précipitations 

Quant au choix de la partition, il inclut quelques-unes des pages désormais réintroduites dans l’opéra, avec notamment la version longue des interventions de Miracle dans l’acte d’Antonia, ce dont on ne peut que se féliciter. En revanche, l’acte de Giulietta opte pour un soudain retour à la version Choudens, avec ses deux morceaux dont on sait bien qu’ils ne sont pas du tout d’Offenbach,  « Scintille, diamant » et le septuor (le programme de salle, lui, contient une version Kaye ou Keck, avec « Tourne, miroir » et « L’Amour lui dit, la belle »), ledit septuor étant bizarrement avancé, ce qui a pour effet de montrer Hoffmann tout à coup épris de la courtisane alors qu’il exprimait son mépris pour elle quelques instants auparavant. Sérieusement ? Quant à la direction d’Emmanuel Villaume, acclamée avec un enthousiasme bruyant par le public, elle se caractérise néanmoins par des lourdeurs et des précipitations assez peu explicables.

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© Paul Bourdrel 

Loin du sens et de l’esprit
 
Pour sa réouverture en 1993, l’Opéra de Lyon avait proposé Des contes d’Hoffmann (version Louis Erlo) avec une distribution presque exclusivement francophone. Cette fois, c’est à peu près l’inverse, la participation française se limitant à Giulietta et à quelques petits rôles. Là non plus, il n’est peut-être pas très sérieux de recourir à des artistes qui, malgré leurs efforts de diction, ne parviennent pas à véritablement communiquer le sens et l’esprit de ce qu’ils chantent. C’est frappant dans le cas de Victoria Karkacheva, aussi parfaitement inexpressive en Nicklausse qu’elle l’était en Marguerite de Berlioz au TCE, et même de Marko Mimica, au français à peu près irréprochable et aux moyens vocaux tout à fait adéquats, mais qui peine à traduire le caractère diabolique de ses quatre rôles, faute d’intentions perceptibles dans ses intonations, malgré de belles nuances.

Le ténor péruvien Iván Ayón Rivas possède une voix sonore et une superbe aisance dans l’aigu ; il lui reste à affiner sa maîtrise de notre langue et de ses habituelles pierres d’achoppement, les e/é/è et les nasales, et à apporter un peu plus de subtilité à son interprétation. Pourquoi n’a-t-on pas demandé à Amina Edris d’incarner, outre Antonia, les trois rôles féminins, comme elle vient de le faire à l’Opéra-Comique ? Son français y aurait fait merveille, même si l’évolution de sa voix semble désormais la destiner à des emplois plus lourds. Quant à Eva Langeland Gjerde, membre de l’Opéra Studio, son Olympia très applaudie est certes plus ample que beaucoup de coloratures mais la justesse est parfois assez aléatoire. Clémentine Margaine impose un timbre capiteux et une vraie présence, la mise en scène réduisant néanmoins Giulietta à un personnage plus schématique que jamais. Jenny Anne Flory cumule avec aplomb la Muse et la mère d’Antonia, cette dernière restant en coulisses car il a été décidé qu’elle et sa fille n’étaient pas cantatrices mais danseuses, choix sans doute plus visuellement frappant, mais assez difficile à défendre quand le public entend constamment parler de voix ou de silence, de « ne plus chanter » et non de « ne plus danser ». Vincent Le Texier a encore les ressources nécessaires pour camper un Crespel émouvant, Vincent Ordonneau composant avec verve les quatre valets ici réduits à trois, Pitchinaccio ayant disparu en chemin.
 
Laurent Bury

 

> Les prochains opéras d'Offenbach <

Jacques Offenbach : Les Contes d’Hoffmann – Lyon, Opéra, 16 décembre ; prochaines représentations les 19, 21, 23, 27, 29 décembre 2025, 1er, 3 & 5 janvier 2025 // www.opera-lyon.com/fr/programmation/saison-2025-2026/opera/les-contes-dhoffmann-2
 
Photo © Paul Bourdrel 

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