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Au regard de l’éternité, une création de Jacques Lenot par Raphaël Pidoux (Paris, Salle Colonne) – Entre terre et ciel – Compte rendu

 
 
Imaginons quatre orchestres invisibles, qui nous surplombent, nuées sonores qui nous attirent, nous font sentir leur mouvement. Comme chaque fois que l’on contemple les nuages, nous y devinons des figures familières, qui se défont puis renaissent un peu plus loin, un peu changées. C’est ce que propose Au regard de l’éternité, nouvelle création offerte par Jacques Lenot à l’occasion de son 80anniversaire. Perchés haut dans la salle Colonne, quatre ensembles de haut-parleurs diffusent une musique que le compositeur a minutieusement écrite, répartie et orchestrée avec l’aide de Thierry Bugaud, qui a associé chaque note aux sonorités d’instruments échantillonnés. On retrouve là le goût de Jacques Lenot pour une musique qui se réalise par mais au-delà des notes, dans une démarche qui évoque celle de ses œuvres pour orgue – Jean-Christophe Revel, interprète magnifique de l’œuvre d’orgue du compositeur, qui lui fait une confiance aveugle pour la registration, était bien sûr dans la salle.

La musique nous regarde

 
Avec Il y a, créé il y a seize ans à Saint-Eustache à Paris et repris l’an dernier à Roubaix (1), Jacques Lenot avait déjà imaginé un orchestre dont la musique, s’inscrivant elle aussi dans la longue durée, nous atteint depuis les hauteurs. Mais si Il y a la fait descendre comme un poudroiement sonore, les quatre orchestres virtuels d’Au regard de l’éternité la font plutôt circuler au-dessus de nous. Nous entendons la musique et c’est elle qui nous regarde. Et cela parce que, à notre niveau terrestre, est jouée une autre partie : Raphaël Pidoux assume la part la plus « romantique » de l’œuvre. Le violoncelle chante, clame, lance des appels ; le geste est toujours chargé d’attention, sous tension – et malgré tout apaisé. Y a-t-il dialogue entre « terre » et « ciel » ? Certes pas dans le sens d’un concerto. En revanche, une profonde harmonie s’installe, quand les motifs répétés du violoncelle trouvent un écho au sein des orchestres virtuels. La « tournette » sur laquelle est installée le violoncelliste contribue à cette harmonie : le son vit, s’adresse plus ou moins frontalement, à chaque révolution, à chacun parmi le public, disposé autour de la scène. Cela crée une relation toujours changeante entre les sources sonores. Il y a dans cette musique quelque chose de cosmique, en ce qu’elle nous dévoile une part, infime certes mais absolue, de l’éternité.
 
Jean-Guillaume Lebrun
 

 
> Les prochains concerts de musique contemporaine en Ile-de-France <

Paris, Salle Colonne, le 24 novembre 2025
 

(1) www.concertclassic.com/article/carte-blanche-jacques-lenot-roubaix-mouvements-interieurs-de-la-musique-compte-rendu

 
Photo : Jacques Lenot & Raphaël Pidoux © DR
   

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