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Iris Scialom & Antonin Bonnet (Duo Arborescence) à la Scala Paris – De chair, de rêve et de feu – Compte rendu

La sortie récente d’un superbe disque Enesco (Sonate n° 2), Ravel (Sonate posthume) et Fauré (Sonate n° 1) a mis en lumière le talent de la violoniste Iris Scialom et du pianiste Antonin Bonnet, deux jeunes interprètes réunis dans le Duo Arborescence. Ce qui ne sera pas pour surprendre les lecteurs de Concertclassic auxquels ont été signalées il y a un bon moment déjà les qualités individuelles de ces interprètes autant que leur exemplaire entente.(1)
Le disque qu’ils ont enregistré pour Scala Music (dans le cadre d’un partenariat avec l’Académie musicale de Villecroze) les confirme avec un programme original réunissant les premières sonates pour violon et piano de trois compositeurs majeurs. La Sonate n° 2 op. 6 (1899) d'Enesco a certes été précédée d’une première tentative (op. 2, en 1887), mais elle constitue bien la première réalisation significative du maître roumain – et était considérée comme telle par son auteur.
La Sonate n° 1 de Fauré aura été le point de départ du premier enregistrement qu’Iris Scialom et Antonin Bonnet nous offrent, mais aussi la première œuvre que les deux musiciens ont jouée ensemble. Un Opus 13 cher à leur cœur donc et dont l'association avec les pièces de Ravel et Enesco apparaît d’autant plus cohérente que ces deux derniers comptèrent parmi les élèves de Gabriel Fauré au Conservatoire de Paris.

Une œuvre riche de prédictions
Concert de sortie de CD à Scala Paris : une Piccola Scala pleine comme un œuf attend un duo qui ouvre son programme par Enesco. Le Roumain avait tout juste 18 ans lorsqu’il termina son Opus 6. Mise en perspective à la lumière de ce qui a suivi, la pièce déborde de prédictions et montre combien l’imprégnation de la musique folklorique marqua l’imagination de l’artiste, la libéra aussi – dans le maniement de la palette sonore comme dans le geste instrumental. Partition redoutable, pour le violon autant que pour le piano (instruments qu’Enesco maîtrisait admirablement l’un et l’autre ; les enregistrements en témoignent), elle trouve des interprètes capables d’en souligner les richesses, sans la moindre chute de tension.
Iris Scialom tire de son Guadagnini des couleurs fabuleuses et, dans un parfait accord avec son partenaire, souligne le travail sur les timbres du jeune compositeur (le final !) – sans parler de ses trouvailles harmoniques et rythmiques.

© DR
Une intelligence sensible de la forme
D’un foisonnement pleinement dominé ici, la Sonate op. 6 contraste avec celle, dite Posthume, de Maurice Ravel – vraisemblablement créée par Enesco et Ravel vers 1897 dans la classe de Fauré. Par son onirisme, elle prête parfois le flanc à des interprétations un peu fades. Rien à craindre avec le Duo Aborescence qui habite le rêve ravélien d’une sonorité pleine de chair et totalement incarnée. On termine avec l’œuvre fétiche des deux interprètes : la Sonate en la majeur avec laquelle un Gabriel Fauré de 30 ans fit son entrée – par la grande porte ! – dans le monde de la musique de chambre. Iris Scialom et Antonin Bonnet jouent la musique, la respirent en une totale osmose. Quel feu, quelle poésie, mieux : quelle intelligence sensible de la forme. Et quelle classe, tout simplement. Public aux anges, plus encore après le bis ; Après un rêve ...
Notez que le Duo Arborescence se produira le 12 octobre prochain à Avon dans un programme tout germanique, particulièrement alléchant (Brahms, C. Schumann, Strauss, Bloch). (2)
Alain Cochard

Paris, Scala Paris (Piccola Scala), 23 novembre 2025
(1) www.concertclassic.com/article/le-duo-arborescence-iris-scialom-antonin-bonnet-jeunes-talents-la-belle-entente-compte-rendu
www.concertclassic.com/article/antonin-bonnet-aux-pianissimes-salle-cortot-22-dec-chopin-entre-amis
(2) www.avon77.com/evenements/impromptus/
Photo © Julien Hanck
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