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    Carl Philipp Emanuel Bach a suggéré, à propos des sonates «pour violon avec accompagnement» de son père, qu’elles pussent avoir été pensées plutôt pour clavier avec accompagnement de violon obligé. Fallait-il aux interprètes se disputer pour le premier rôle, ou chercher l’équilibre dans un dialogue savamment partagé ? Toujours selon Carl Philipp Emanuel Bach, ces sonates n’en exigeaient pas moins «un maître pour jouer la partie de violon, car Bach connaissait les ressources de cet instrument et l’épargnait aussi peu qu’il ne le faisait du clavecin». De telles pièces réclamaient donc des complices, moins attirés par la compétition que par le mélange des voix. Depuis plusieurs années, Renaud Capuçon et David Fray approfondissent leur lecture croisée de Bach et de Beethoven. Si le terme d’accompagnement revient parfois dans le catalogue du second, la première édition de la Sonate «à Kreutzer» fait bien paraître la mention de «sonate pour piano-forte et violon obligé», et instaure ainsi une réelle égalité. Sous les doigts des deux artistes, on se prend à rêver ce qu’aurait pu être la rencontre entre Bach et Beethoven, les deux titans de la musique. Auraient-ils opposé leurs visions de Dieu ou de l’Homme ? Se seraient-ils querellés à propos des puissants ou des nobles ? Peut-être se seraient-ils juste mutuellement écoutés et admirés, car chacun déploie une gravité, une profondeur et une puissance fascinantes.