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Victor Julien-Laferrière, Gergely Madaras et l’Orchestre Dijon-Bourgogne – Bouleversant archet – Compte-rendu

Miraculeuse nouvelle génération que celle du violoncelle français ! Parmi elle, au premier rang, Victor Julien-Laferrière (né en 1990) (photo), un musicien que René Benedetti puis Roland Pidoux ont formé, avant qu’il ne parte compléter son bagage auprès d’Heinrich Schiff à Vienne. 1er Prix du Concours International du Printemps de Prague en 2012, V. Julien-Laferrière s’est beaucoup fait remarquer en musique de chambre. Habitué de longue date du Festival de Pâques de Deauville, le violoncelliste a fondé les Trio des Esprits avec Mi-Sa Yang et Adam Laloum, pianiste avec lequel il aime à se produire en duo – un disque de sonates est en projet.

Gergely Madaras © Gérad Cunin

Les éminentes qualités du chambriste ne doivent cependant pas faire oublier l’évidence : Victoire Julien-Laferrière est l’un des nos très grands solistes. Présence, sonorité d’une richesse et d’une profondeur admirables distinguent un artiste – car c’en est un, au plein sens du terme – dont l’engagement et l’intelligence musicales ont fait des merveilles à Dijon l’autre soir, au côté de l’Orchestre Dijon-Bourgogne conduit par Gergely Madaras.
Le Concerto pour violoncelle en mi mineur d’Edward Elgar est souvent encore sous-estimé par le public et pas toujours bien compris des interprètes. Il s’agit pourtant d’une des plus grands concertos de violoncelle du siècle dernier, et du poignant adieu que l’auteur des Variations « Enigma » - alors âgé de soixante-deux ans – adresse en 1919 au monde que la Première Guerre Mondiale vient d’emporter. Le Monde d'hier ...
Dès l’attaque, douloureuse, du premier mouvement, le soliste se situe au cœur même de son sujet. Parfaitement maître de le logique interne, quelque peu déroutante, de la partition, il l’explore avec la complicité d’un Madaras très attentif. On n’est près d’oublier ce lyrisme amer, anxieux, ces envolées sans illusion : vision crépusculaire, magistrale et, oui, proprement bouleversante.
 
En complément de programme, Passacaglia, fragments archaïques d’Aurélien Maestracci (né en 1985) a permis de découvrir en création un pièce qui intègre une voix ténor (ici celle d’Anthony Lo Papa). « Création en hommage à Rameau pour ténor et orchestre », précise le programme. Les phonèmes dont le chanteur ponctue la musique font plus songer à la célébration d’une civilisation primitive qu’à l’auteur de Dardanus au cours d’une partition qui installe un certain mystère en son début mais s’enlise hélas dans une répétitivité pour le moins lassante.
Gegerly Madaras, directeur musical de l’Orchestre Dijon-Bourgogne depuis deux ans, a par ailleurs montré dans la Symphonie n° 1 "Le Printemps" de Schumann un élan et une franchise très en accord avec l’esprit d'un opus qui marque l'entrée du compositeur dans l'univers orchestral après une longue - et si riche ! - période toute dédiée au piano.
Avec Nimrod, donné en bis, Elgar a le mot de la fin. Logique : c’est d’abord pour un magistral Concerto op. 85 que cette soirée demeurera dans les mémoires.
 
Alain Cochard

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 Dijon, Auditorium, 4 mars 2016

Photo Victor Julien-Laferrière © DR

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