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Une interview de Camille Merckx, mezzo-alto [ à l'OPERA DE RENNES les 16 & 17 oct. ] – En garde et en scène !

 

 
Mezzo-alto, Camille Merckx (
photo à g.) aime les chemins de traverse. Le 4 août prochain, dans le cadre du 13e festival « Le Temps Suspendu » (à Saint-Benoît-du-Sault, au cœur du Berry), sera créé « Julie M, en garde et en scène », spectacle de la Compagnie Les Perles de Verre, conçu à partir d’un livret de la chanteuse (sur des musique de Lully, Destouches, Clérambault, Campra, etc. ) consacré à la figure de Julie de Maupin (1670 – 1707). Une chanteuse, escrimeuse et libertine, précocement disparue, qui inspira à Théophile Gauthier le roman « Mademoiselle Maupin »(1835).
Camille Merckx sera entourée de David Migeot, comédien, de la claveciniste Chloé Sévère et du gambiste et violoncelliste Stanley Smith, dans une mise en scène de Jean-Michel Fournereau. D’ici au printemps 2026 « Julie M » sera repris en divers lieux, notamment à l’Espace Culturel de Sarzeau (56), à l’Opéra de Rennes ou à Vesoul (70) et Joigny (89), dans le cadre du Festival "Elles chantent, composent, dirigent" de la Cité de la Voix.
Au cours de la saison prochaine, on retrouvera en outre Camille Merckx à Paris, au théâtre de l’Athénée, pour la reprise des Ailes du désir, opéra d’Othman Louati d’après le film de Wim Wenders (12-15 février) (1), et pour L’Homme qui aimait les chiens, spectacle d’après le roman de Leonardo Padura sur une musique de Fernando Fiszbein, mis en scène de Jacques Osinski (19-22 février).

 
Pourquoi avez-vous souhaité évoquer la figure de Julie de Maupin ?
 
Il y a quelques années, j’ai commencé à m’intéresser à de grandes figures d’aventurières, comme Alexandra David Neel ou Ella Maillart, je me suis plongée dans des récits de voyages. Et je suis tombée par hasard sur Julie de Maupin, premier bas-dessus de l’Académie Royale de Musique, escrimeuse, bisexuelle et de tempérament libertin. On la connaît aussi par le roman de Théophile Gauthier, assez éloigné cependant de sa vraie personnalité. J’ai tout de suite été fascinée par la vie de cette femme. Il existe peu de traces écrites la concernant, mais on en trouve tout de même dans les archives de l’Opéra de Paris la liste de tous les rôles qu’elle a chantés. Elle a eu une existence rocambolesque au possible, que tout romancier rêverait d’avoir inventée. Elle a même été condamnée à mort deux fois, et graciée par le roi.
J’ajoute que pour ce spectacle, j’ai dû me mettre à l’escrime … 

Julie de Maupin © DR

 
"Le spectacle sera une mise en abyme d’une répétition d’opéra"

 
Comment avez-vous procédé pour écrire le livret de « Julie M » ?

Je me suis aidée d’ouvrages, notamment du livre passionnant d’Yves Lavandier sur la dramaturgie. Je n’oublie pas que beaucoup d’opéras sont restés célèbres, en raison de la qualité de leur livret. Et j’ai fait appel à mon expérience personnelle, au sein de grandes maisons d’opéra, ou de lieux plus intimistes. Et puis j’ai voulu raconter ce qu’est le travail d’un (e) artiste.
 

David Migeot © Andrew Waltham

Quelles musiques avez-vous avez choisies pour ce spectacle ?
 
Mademoiselle de Maupin a créé une trentaine de rôles à l’Académie Royale de Musique entre 1690 et 1705. Pas d’opéras de Lully, composés antérieurement, mais elle les a repris. Elle a pris part aux premières d’ouvrages de Campra, en particulier Tancrède, de Destouches (elle était La Folie dans Le Carnaval et la Folie) et de bien d’autres. Nous évoquerons ces créations ou reprises à travers des extraits d’œuvres de ces compositeurs, entourés de pages instrumentales d’Elisabeth Jacquet de la Guerre notamment. Le spectacle sera une mise en abyme d’une répétition d’opéra (le comédien David Migeot joue le rôle d'un metteur en scène ndlr ).

> Les prochains concerts de musique baroque <

 

© Andrew Waltham

« Musique baroque et création contemporaine sont pour moi étroitement liées. »
 
 
 
Du baroque à la création contemporaine, votre répertoire est particulièrement varié ...
 
J’ai fait beaucoup de musique ancienne durant mes études, et beaucoup de compositeurs du XVIIème siècle italien, Monteverdi, Strozzi, etc. Puis, j’ai suivi une formation à l’Opéra Studio de Bruxelles, où j’ai chanté le grand répertoire, et, en parallèle, j’ai eu la chance de découvrir la création contemporaine, notamment avec l’ensemble Le Balcon. J’ai une passion pour la création contemporaine ; musique baroque et création contemporaine sont pour moi étroitement liées.

 

Jean-Michel Fournereau, metteur en scène de "Julie M, en garde et en scène" © François le Divenah

 
« Julie de Maupin est un personnage qui nous permettra de parler de beaucoup de sujets de contemporains. »

 
Parlez-nous du Festival « Le Temps Suspendu » où sera créé « Julie M, en garde et en scène », le 4 août prochain.
 
C’est un festival qui existe depuis une douzaine d’années, et que j’affectionne tout particulièrement. Il reçoit des personnalités plutôt tournées vers le monde baroque et de la musique ancienne, mais en fait de tous bords, tels Lucile Boulanger, l’ensemble Les Epopées, ou encore Eva Zaïcik. Il se déroule dans un département plutôt pauvre en salles de spectacles et propose à un public qui ne connaît pas forcément la musique ancienne des concerts à des prix très abordables. Tous les concerts sont systématiquement remplis. Et cette année il y aura un nouveau projet, pour faire découvrir la musique à des enfants, « Maupin, le théâtre et le chant » organisé pour des enfants de l’Aide Sociale à l’Enfance. Julie de Maupin est un personnage, qui nous permettra de parler de beaucoup de sujets de contemporains, et j’espère que son côté romanesque, conduira des gens qui ne connaissent pas ce répertoire à le découvrir.
Je dois ajouter que nous aurons la grande chance, pour ce spectacle, de bénéficier du prêt exceptionnel de la copie d’une viole Collichon, de 1683, fabriquée par Jean Louis Trocherie. Donc un instrument contemporain de Mademoiselle de Maupin. Et puis Stanley Smith joue non seulement de la viole, mais également du violoncelle, ce qui nous permet d’aborder différents répertoires.. Des œuvres composées initialement pour grand orchestre ou des pièces intimistes. Cela nous permettra de caractériser les œuvres, que ce soit les airs de fureur, avec le violoncelle, ou des œuvres plus douces ou de salon, avec la viole de gambe.
  
Vous avez écrit le livret de « Julie M ». A partir de quelles sources avez-vous travaillé ?

Essentiellement à partir de la biographie de Gabriel Letainturier-Fradin, « La Maupin, 1670-1707, sa vie, ses duels, ses aventures ». Mais le spectacle raconte une répétition d’opéra, de nos jours. Je me suis aussi appuyée sur mon expérience de musicienne, et sur celle des autres musiciens du spectacle, pour raconter comment on monte un spectacle, comment on étudie une partition.

 
« Regarder José van Dam travailler fut un grand enseignement. »

 

© Andrew Waltham

Pouvez vous évoquer des expériences marquantes avec certains musiciens ?
 
Il y a en a beaucoup ..., mais je tiens à souligner mon travail avec Maxime Pascal et l’ensemble Le Balcon, ainsi qu’avec Alphonse Cemin. Ce sont des collaborations très marquantes pour ma progression en tant que chanteuse. Et puis je me souviens d’un chef d’orchestre, qui m’avait dit il y a longtemps, après que j’aie tenté d’interpréter, de « raconter » quelque chose dans une œuvre : « Fais déjà ce qui est écrit, et quand tu le feras vraiment, tu pourras peut être assouplir, mais ce ne sera peut être pas nécessaire, parce que tout sera déjà là ». C’est un conseil important.
Et puis j’ai eu la grande chance, quand je suis entrée à l’Opéra Studio à Bruxelles, de partager la scène avec José Van Dam. Pour le Don Quichotte de Massenet. Ce qui était passionnant, avec cet artiste, était de le regarder travailler. C’était un de ses derniers rôles, au théâtre de la Monnaie. Regarder sa « gestion » de la relation avec le metteur en scène, le chef d’orchestre, de l’espace et du temps, fut un grand enseignement.
 
Vous donnerez également le spectacle « Julie M, en garde et en scène », dans le cadre du Festival de la Cité de la Voix, à Vézelay

Oui, nous y avons été en résidence de travail à la Cité de le Voix en novembre dernier. En mars prochain nous serons au théâtre de Vesoul et à la salle Debussy de Joigny, la Cité de la Voix ne disposant pas de lieu se prédisposant à un tel spectacle, qui sera donné de manière bi-frontale.

 

Stanley Smith & Camille Merckx © Andrew Waltham

 
« Dans
Les Ailes du désir nous sommes la voix des marionnettes. »

 
Vous allez redonner l’année prochaine, en particulier au théâtre de l’Athénée, Les Ailes du désir, opéra d’Othman Louati créé en 2023-2024 (un spectacle de La Co[Opéra]tive) ...
 
Ce n’est pas facile de créer une œuvre d’après une œuvre – en l’occurrence un film – aussi iconique, aussi adorée des cinéphiles, aussi importante dans l’histoire du cinéma. La mise en scène est passionnante. C’est une très belle production, qui mélange beaucoup de genres. Nous sommes les voix de marionnettes. C’est un travail très intéressant de faire passer la voix derrière des marionnettes, de n’être qu’un vecteur. Et j’ai la grande chance d’avoir le rôle de Marion, la trapéziste, dont l’ange tombe amoureux, et va passer du statut d’ange à celui d’être humain. C’est un magnifique personnage, qui n’est pas si éloigné de Julie de Maupin, par sa quête de liberté.

 

Chloé Sévère (clavecin) & Stanley Smith (violoncelle / viole de gambe) © Andrew Waltham

 
Il y a chez vous un amour de la littérature, symbolisé notamment par le nom de votre compagnie : « Les Perles de verre », une référence au « Jeu des perles de verre » de Hermann Hesse.
 
Oui, le jeu est assez peu défini dans le livre. L’idée est de montrer une communauté d’intellectuels, de sachants sur divers sujets, qui parviennent à associer un problème mathématique à la beauté de la nervure d’une feuille d’arbre, à une mélodie de Bach, à une couleur de fleur, et qui par ce biais, tentent de résoudre les problèmes du monde. Pour moi c’est le cœur de l’art, de ce qui nous nourrit, et le symbole de ce que je recherche.
 
Propos recueillis par Frédéric Hutman, le 25 juin 2025

 

 
« Julie M, en garde et en scène »
Avec Camille Merckx, David Migeot, Chloé Sévère & Stanley Smith
Création le 4 août 2025 au 13e Festival Le Temps Suspendu (2-10 août 2025)

www.letempssuspendu.fr/2025-les-chemins-de-traverses/

Reprises : 

3 octobre 2025 - l'Hermine- Espace Culturel de Sarzeau (56)

16 & 17 octobre 2025 - Opéra de Rennes (35)

24 mars 2026 - Biennale de la Cité de la Voix "Elles chantent, composent, dirigent"
Théâtre Edwige Feuillère, Vesoul (70)

27 mars 2026 - Biennale de la Cité de la Voix "Elles chantent, composent, dirigent"
Salle Debussy, Joigny (89)

 
Photo : Camille Merckx & Chloé Sévère © Andrew Waltham

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