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"Sur les traces de J.-S Bach" par Gilles Cantagrel (Buchet-Chastel) – Le bon chemin – Compte-rendu

On sait combien Dieu doit à Bach. Mais on ne mesure pas toujours combien Bach doit à Gilles Cantagrel (photo)… Au sein d’une carrière nourrie et d’une œuvre abondante, la parution du Moulin et la Rivière, en 1998, avait rendu évident un phénomène exceptionnel, celui d’une rencontre d’âmes entre le compositeur et son passeur, qui ouvrait les portes sur une création artistique au-delà du complexe. L’extrême érudition de l’auteur qui jamais n’épaississait la ligne de la recherche, la fluidité du style, sa simplicité pour nous faire pénétrer dans ces difficiles entrelacs ont marqué une étape hors normes dans l’océan de textes écrits sur Bach.
 
Et Cantagrel ne l’a jamais quitté, lui donnant son intelligence, sa culture, son désir de comprendre, entre quelques autres compositeurs qu’il ne déteste pas non plus, comme Buxtehude. Mais entre Bach et lui, c’est assurément une histoire d’amour, peut-être l’histoire d’une vie. Là, il récidive, pour remettre le personnage dans son manteau d’époque, retrouver sa foi, ses paysages ou ses maisons et le débarrasser de quelques scories attachées à son histoire, comme l’oubli précoce de son œuvre – faux ! -, l’indigence de sa veuve – faux ! Et régler leur compte aux nombreuses tracasseries dont le cantor fut l’objet, contre lesquelles il se défendit avec un caractère que l’on savait difficile, mais surtout marqué par l’épée de justice.
 

 Cette fois, avec ce Sur les traces de J.-S Bach , c’est donc un chemin de vie qui se dégage, et que l’auteur trace d’une plume aux accents à la fois vigoureux et délicats, dont le lyrisme demeure d’autant plus prenant qu’il est discret. Visiter la forêt de Thuringe en compagnie de Bach et de Cantagrel devient un voyage dans les profondeurs : des mines autant que de l’être. Evoquer, en regardant un manuscrit de Bach, comment « les ligatures des hampes des doubles croches dessinent de souples volutes, sensuelles comme les courbes d’un décor architectural du Bernin à Rome, d’une magnifique plasticité » apparaît comme un plaisir gourmand. Loin d’une lourde biographie, voici une existence, dans tout son mystère que rien ne peut vraiment éclairer.
Et Cantagrel de conclure, après 487 pages de fréquentation, que Bach est rebelle à toute description. Normal qu’il échappe, après avoir été serré d’aussi près ! On a compris que dans l’élan de tendresse qui sous-tend cet ouvrage, l’auteur apparaît non comme un adorateur mais plutôt un disciple. Magnifique.
 
Jacqueline Thuilleux

Sur les traces de J.-S. Bach par Gilles Cantagrel, (Buchet-Chastel ; 487 pages, 32,90 €)

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