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Skip Sempé dirige le Service Funèbre de Rameau au 1er Festival Terpsichore – Noblesse, style et émotion – Compte-rendu
Le 12 septembre 1764 mourait Jean-Philippe Rameau, deux semaines plus tard, le 27, le service funèbre du musicien fut célébré à l’Oratoire du Louvre ; on y donna la Messe des morts de Jean Gilles dans un révision signée Rebel et Francoeur. En ce même lieu, deux cent cinquante ans plus tard pratiquement jour pour jour, Skip Sempé interprète cette mouture méconnue de l’ouvrage en ouverture du Festival Terpsichore qu’il a décidé d’installer dans le paysage musical parisien.
Un programme inaugural pour le moins original qui ne surprend guère de la part d’une des figures les plus riches, singulières et inspirées du milieu baroque. Le public a répondu nombreux à l’appel ; bien lui en a pris !
Comme toujours lorsque Skip Sempé est à l’œuvre, qu’il touche le clavecin ou qu’il dirige, l’ample respiration de la phrase, si caractéristique de cet artiste, frappe immédiatement. Avec le Kyrie débute un émouvant itinéraire musical et spirituel, pétri de poésie. De bout en bout, Sempé saura tirer parti avec noblesse et style de ce qu’il décrit comme « la plus dramatique version de la Messe des morts de Gilles ».(1)
A la splendeur de l’effectif instrumental (Le Capriccio Stravagante et Les 24 Violons réunis) s’ajoute celle du Collegium Vocale Gent, dont les mérites ne sont plus à souligner, et de solistes tout simplement parfaits. Que de feu intérieur, de naturel et de maîtrise chez Judith van Wanroij ; il faut l’entendre - et la voir ! - dans l’Elévation, en osmose parfaite avec le chef. Sombre, mystérieuse, d’une autorité jamais écrasante, la basse de Lisandro Abadie ne convainc pas moins. Que d’ardeur, de tact aussi chez Robert Getchell et Fernando Guimaraēs ! Nul ne tire jamais la couverture à soi dans ce quatuor irréprochable d’homogénéité ; chacun œuvre dans une commune ferveur, guidé par la gestuelle aussi suggestive que discrète et efficace de Sempé.
Outre la richesse de son orchestration, la singularité de la « version 1764 » de la Messe de Gilles tient à la présence de quelques extraits d’opéras de Rameau insérés par ses arrangeurs (Dardanus, Castor et Pollux). A la différence de ce que l’on entend au terme du superbe enregistrement qui vient de paraître chez Paradizo(2) , Skip Sempé prend le parti de délaisser en concert l’Air des esprits infernaux de Zoroastre qu’il remplace par l’Entrée de Polymnie tirée des Boréades. Envoûtante et poétique conclusion - dialogue de Rameau avec l’éternité …
Mais c’est par Carissimi que la soirée s’achève : avec le chœur final de Jephté, Sempé rend un hommage ému à la mémoire d’ «un des pères de la musique ancienne en France », Jacques Merlet, décédé le 2 août dernier.
Le 1er Festival Terpsichore se poursuit, les 25 et 26 octobre prochains, lors d’un week-end Rameau à la Salle Erard réunissant Skip Sempé, Pierre Hantai, Olivier Fortin et des membres de l’excellent Capriccio Stravagante.
Alain Cochard
Paris, Oratoire du Louvre, 18 septembre 2014
- Lire l’article : www.concertclassic.com/article/skip-sempe-lance-le-festival-terpsichore-hommage-rameau
- 1CD Paradizo – PA0013
Skip Sempé, Pierre Hantaï & Olivier Fortin (clavecins), membres du Capriccio Stravagante
Le 25 et 26 octobre 2014 – 17h et 20h30
Paris – Salle Erard (13 rue du Mail, 75002)
http://terpsichore-festival.com
Photo © Marco Borggreve
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