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« Sibylle(s) » par La Tempête à l’Athénée – Beau comme un coup de dés – Compte-rendu

De l’esprit du théâtre musical, les premiers instants de Sibylle(s) donne une illustration parfaite : chaque geste a son prolongement musical – ce peut être un silence –, chaque son vient de gestes. Sur scène, trois personnages lancent cailloux, dés ou osselets ; peu importe l’objet, seul l’enjeu est important : user de tous les mystères pour formuler les présages, deviner l’avenir. Ce geste initial – appelons le coup de dés – produit son propre effet sonore ; il conditionne l’attente et l’écoute. Il est aussi le premier pas sur le chemin de l’œuvre de Zad Moultaka, Le Feu se repose en changeant, création qui accompagne ce rituel théâtral de plus d’une heure et demie et dont l’agencement des seize parties, inspirées du Yi Jing, livre de divination chinois qui fascinait déjà John Cage au milieu du siècle dernier, est décidé par ce geste divinatoire.

@ François Le Guen
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D’étonnants télescopages
La musique de Zad Moultaka balise ainsi toute la narration qui, parce qu’elle évoque l’interrogation de l’avenir, se situe toujours à la frontière de la vie et de la mort (on entendra l’Orfeo de Monteverdi), mêle l’errance à la fortune, la déploration et les retrouvailles. Elle est rejointe au fil du spectacle par d’autres musiques, qui ont la force du rituel, qu’elles appartiennent à la tradition populaire ou à l’écriture savante. La multiplicité des sources crée d’étonnants télescopages : Rebonds de Xenakis, joué avec un grand sens de la respiration par le percussionniste Guy-Loup Boisneau, devient ici le support d’un chant traditionnel ; des brumes du rêve s’élève le superbe Cassandra’s Dream Song de Brian Ferneyhough superbement joué par la flûtiste Fanny Châtelain ; ailleurs encore, ce sont des palabres qui deviennent musique (extrait des Conversations de Georges Aperghis).
Musique et scénographie imbriquées
La musique et la scénographie, parfaitement imbriquées, ne laissent aucun répit. C’est à la fois la grande force et l’écueil de ce spectacle total, où les propositions finissent par se bousculer, les horizons musicaux et vocaux par s’égaliser et le propos par devenir quelque peu didactique quand s’y ajoute la déclamation de textes de Christa Wolf, Anne Dufourmantelle ou tirés de la Bible. Il n’empêche que Simon-Pierre Bestion et ses treize compagnons de La Tempête stimulent, avec beaucoup d’intelligence et une remarquable force de conviction, l’oreille, l’œil et l’esprit des spectateurs.
Jean-Guillaume Lebrun

Paris, Athénée, le 22 mai 2025.
Site : www.compagnielatempete.com/
© François Le Guen
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