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Seicento italien par Perrine Devillers et Les Surprises (Salle Cortot) – Chauffe, Louis-Noël, chauffe ! – Compte-rendu

 
Ce devait être de la musique italienne du XVIIe siècle, et ce fut bien de la musique italienne du XVIIe siècle. Ce devait être l’ensemble Les Surprises, et ce fut bien l’ensemble Les Surprises. Mais, un peu comme dans Vesoul, la célèbre chanson de Jacques Brel, « j’ai voulu ta sœur et on a vu ta mère » : la partie vocale devait initialement être assurée par Marie Perbost, mais la soprano, souffrante, dut être remplacée. En l’occurrence, la soirée a été sauvée par une chanteuse spécialiste de ce même répertoire : grâces soient rendues à Perrine Devillers (photo) grâce à laquelle le concert a eu lieu, et bien lieu, et qui nous a permis de découvrir, à la place du programme Monteverdi-Strozzi prévu, des œuvres de compositeurs certes moins célèbres que l’auteur du Couronnement de Poppée, mais qui n’en sont pas moins connus des amateurs, comme Frescobaldi, Giulio Caccini ou Tarquinio Merula.
 

Louis-Noël Bestion de Camboulas © Jean-Baptiste Millot

Elaboré en une journée, l’indisposition de Marie Perbost ayant été connue le matin du concert, ce nouveau programme repose sur une alternance de pages vocales et de pièces instrumentales, avec des regroupements habiles et des effets d’écho qui montrent que, pour avoir été conçu rapidement, il n’en a pas moins été pensé intelligemment. On y trouve des partitions ayant voyagé à travers l’Europe – la Toccata du Vénitien Giovanni Picchi connue grâce au FitzwilliamVirginal Book, les Variations sur ‘Amarilli, mia bella’ de l’Anglais Peter Philips, cet air de Caccini étant lui aussi au programme –, une alternance de musique pure et de musique de danse, des lamentos et des pages plus gaies, un groupe d’œuvres d’inspiration religieuse, dont deux fondées sur le texte « quam pulchra es », signées Alessandro Grandi et Giovanni Rovetta …

Fidèle à une pratique qui lui est chère, Louis-Noël Bestion de Camboulas prépare la salle à chaque morceau en livrant aux publics quelques clefs de compréhension, depuis le siège qu’il occupe en tant qu’organiste, claveciniste et directeur musical de l’ensemble : comme l’accordéoniste Marcel Azzola dans Vesoul, c’est en quelque sorte lui qui « chauffe »... Pour l’occasion, Les Surprises se limitent à quatre instrumentistes : le chef susnommé, Juliette Guignard à la viole de gambe, Julien Hainsworth au violoncelle et Thibaut Roussel au théorbe et à la guitare. Grâce à l’acoustique de la Salle Cortot, cet effectif réduit suffit amplement à remplir l’écrin imaginé par Auguste Perret.

Quant à Perrine Devillers, si elle privilégie d’abord une émission très droite, avec un vibrato réduit au strict minimum, on admire la virtuosité avec laquelle elle sait enchaîner d’interminables cascades de vocalises, comme autant de grappes de notes enrichissant les syllabes. L’interprète est sensible et consciente du texte qu’elle interprète ; certaines doubles consonnes pourraient sonner davantage, mais l’artiste sait habiter chaque partition, rendant sensible tous les affects, depuis la douleur d’Armide dans le lamento « Sovente all’hor » de Sigismondo d’India jusqu’à l’étrange mélange d’amour profane et sacrée dans « Queste pungenti spine » de Benedetto Ferrari.

Laurent Bury

Paris, Salle Cortot, 15 février 2023 (Concert de la saison Philippe Maillard Productions enregistré par France Musique pour diffusion le 4 avril à 20h)
 
Photo ©

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