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Roméo et Juliette dirigé par John Eliot Gardiner au Festival Berlioz - L’accord parfait - Compte-rendu

Depuis trois éditions, Sir John Eliot Gardiner Gardiner (photo) ne manque pas de marquer de son auguste présence le Festival Berlioz. Il vient cette fois avec Roméo et Juliette, repris, avec les mêmes forces musicales, du concert donné ce 30 juillet dernier aux Proms londoniens. Et le chef ne faillit pas à sa réputation, sachant allier interprétation rigoureusement souveraine, respectueuse aux plus près des indications de Berlioz (y compris les petites cymbales antiques sur le devant du plateau), et approche hors des conventions.
 
C’est ainsi que la « symphonie dramatique » sur le sujet des amants légendaires de Vérone écrite par Berlioz pour orchestre, chœur et solistes vocaux, se complète de deux apports : le Deuxième Prologue (rétabli et orchestré par Olivier Knussen) qui précède le « Convoi de Juliette », ainsi que le froid et bref « Requiem aeternam » a capella qui ponctue ce mouvement. Deux passages, écartés ensuite par le compositeur, que Gardiner avait déjà gravés sur disque et qui constituent deux ajouts appréciables d’une version étoffée de l’œuvre. Un « contenu idéal », selon le mot de Gardiner, et une vision idéalisée de cette symphonie inclassable.
 

(de g à dr.) Sir John Eliot Gardiner, Jean-Paul Fouchécourt, Julie Boulianne, Laurent Naouri © SimonBarralBaron pour le Festival Berlioz
 
Puisque pour ce qui est de la restitution, l’idéal, ou presque, est atteint. La seule (petite) réserve serait à émettre du côté des solistes vocaux. Julie Boulianne, sans doute gênée par l’acoustique de l’auditorium provisoire de La Côte-Saint-André, débite mal les Strophes qui lui reviennent dans le (premier) Prologue, sans le legato phrasé ni l’expression poétique qui se devraient. Jean-Paul Fouchécourt lance promptement, mais avec saveur, son court Scherzetto dans ce même Prologue, dont on aurait aimé qu’il tire mieux profit des notes de tête qu’il sait distiller. Quant à Laurent Naouri, il compense par l’intelligence expressive une puissance qui fait parfois défaut dans ses Stances du grandiose Finale. L’un comme l’autre, deux chanteurs d’un art intelligent consommé.
 
Pour le reste, Orchestre Révolutionnaire et Romantique, Monteverdi Choir et Jeune Chœur national d’Écosse, la symbiose se fait osmose. Dans l’étreignante « Scène d’amour », les imperceptibles pianissimos marqués ppp ont tendance à devenir mal perceptibles (toujours l’acoustique !), mais la tension générale prend au corps, éperdument maintenue ; sinon par l’interruption d’applaudissements spontanés, sympathiques mais intempestifs, d’un public lourd d’attention par ailleurs. Jusqu’à l’éclatement du Finale, vibrant hymne à la paix entre les peuples rarement aussi senti et transmis, comme d’une seule voix universelle. Entre les Britanniques et Berlioz, l’accord est parfait. On le savait déjà, mais cela se confirme une fois encore.
 
Pierre-René Serna

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Festival Berlioz, La Côte-Saint-André, 21 août 2016.
 
Photo © SimonBarralBaron pour le Festival Berlioz

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