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Renée Fleming en récital à Pleyel - De la Sécession viennoise à Henri Dutilleux - Compte-rendu

Voix de miel, objet d’adoration des fans de bel canto, Renée Fleming pourrait se contenter d’enchaîner les mélodies et les opéras qui mettent son timbre de rêve en valeur. Ce serait compter sans l’insatiable curiosité de la soprano américaine d’origine tchèque. Ainsi a-t-elle inscrit plusieurs créations à son tableau de chasse, à commencer en 2007 par le dernier cycle de mélodies d’Henri Dutilleux, Le Temps, l’Horloge, sur des poèmes de Baudelaire, Jean Tardieu et Robert Desnos. Elle en offrira d’ailleurs une en bis en témoignage d’affection au compositeur français qui assistait à récital salle Pleyel.

Un programme hors des sentiers battus, marqué au sceau de l’intelligence et de l’inventivité qui a rapproché les principaux musiciens viennois contemporains des peintres de la Sécession en une illustration suggestive d’un art qui sombrera dans le cataclysme du premier conflit mondial. La première partie rappelle les grandes voix germaniques du passé avec quelques mélodies d’Hugo Wolf et surtout les Rückert-Lieder de Mahler dans la version avec piano, magnifiquement tenu par Maciej Pikulski.

Une rareté sitôt l’entracte avec la surprenante Erwartung op 2 de Schoenberg : pas le monodrame que vous croyez, mais un Lied de jeunesse, bien avant sa conversion à l’atonalité. Et pourtant quelle nouveauté dans la ligne de chant dont Renée Fleming se délecte avant un impressionnant et insolite Jane Grey. Elle nous prouve ensuite que Zemlinsky, le beau frère de Schoenberg, doit impérativement sortir de son purgatoire. Puis, vient la révélation avec quatre Lieder de Korngold qui dut émigrer lui aussi aux Etats-Unis à l’arrivée d’Hitler et dont on n’a guère redécouvert que son opéra La Ville morte. Dommage ! Fûtée, la soprano l’associe pour finir son récital à Johann Strauss II dont Korngold a réuni quelques unes de ses plus belles valses : nostalgie danubienne…

Jacques Doucelin

Paris, Salle Pleyel, 2 décembre 2012

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Photo : Decca/Andrew Eccles
 

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