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Portrait baroque - G. B. Pergolèse (1710-1736) - Un Stabat Mater pour l’Eternité
L’année 2010 vole pour l’instant au secours de la victoire… Obnubilée par Chopin, elle oublie bien trop Robert Schumann et totalement Giovanni Battista Pergolesi. Car l’on célèbre aussi le tricentenaire de la naissance de l’auteur d’un fameux Stabat Mater. La production de l’Italien ne se limite cependant par à cette partition comme le rappelle le portrait qui suit.
Né voici trois siècles à Iesi (province d’Ancône, dans les Marches), Giovanni Battista Pergolesi aura dû à sa courte existence, marquée par les infirmités et la maladie (il fut emporté par la tuberculose, à peine âgé de vingt-six ans), son ineffable image doloriste, paré, à peine disparu, des palmes du génie et du martyre par une postérité unanime.
Certes, les épreuves ont compté beaucoup dans l’hagiographie pergolésienne : d’abord sa santé fragile, puis l’amour, partagé, mais contrarié, qu’on lui prête pour Maria Spinelli, d’origine princière. Enfin et surtout la pathétique genèse de son fameux Stabat Mater (une commande de la Confrérie dei Cavalieri di San Luigi di Palazzo) au couvent des Capucins de Pozzuoli, près de Naples, où il s’était retiré fin 1735, en raison de l’aggravation de son état (le chef d’oeuvre achevé, il devait y mourir en mars 1736).
Une singulière aura
Il n’empêche que cette destinée poussée non sans complaisance au noir par certains ne suffit pas à expliquer la singulière aura dont le musicien et sa production restent aujourd’hui nimbés. C’est que Pergolèse séduit et fascine d’abord pour ses qualités musicales, au sein d’une école napolitaine riche pourtant de personnalités passionnantes (à cet égard, rappelons que la métropole parthénopéenne est alors la ville la plus peuplée d’Italie).
Fils d’un expert agronome, il a manifesté des dispositions précoces et appris le violon dans sa ville natale avant d’être envoyé à Naples vers 1725 pour se perfectionner au Conservatoire dei Poveri di Gesù Cristo (il y sera l’assistant de Francesco Durante qui forma tant de talents lyriques dans son atelier, de Traetta à Piccinni, Jommelli, Paisiello, etc…). Et c’est grâce à l’appui de plusieurs mécènes influents qu’il débuta sur la scène du Teatro San Bartolomeo durant l’hiver 1731 avec l’opéra seria Salustia et les intermèdes Nerina e Nibbio. Dès ce moment, la machine opératique est lancée, qui va fonctionner pendant cinq années trop brèves, alternant avec un étonnant bonheur de style drames seria et intermezzi : la comédie Lo frate ‘nnamorato, l’opéra Il prigionier superbo et surtout, couplée avec ce dernier, La Serva Padrona (1733), intermède dont la fortune sera européenne, au point de devenir, grâce à sa simplicité, sa vitalité et la juste caractérisation des personnages, l’un des symboles de l’art lyrique au XVIIIème siècle (sa reprise en 1752 à Paris, par les soins d’une troupe italienne, sera à l’origine de la Querelle des Bouffons, rallumant l’éternel débat entre Anciens et Modernes).
Pourtant, son dernier opéra seria napolitain Adriano in Siria, fin 1734, se soldera par un échec, malgré les prouesses du castrat Caffarelli, tandis que l’Olimpiade (sur un texte de Métastase) montée en janvier 1735 à Rome, sera victime, à sa création, d’ intrigues extra-musicales qui ne seront pas sans affecter le compositeur ; hâtant peut-être l’issue fatale que l’on sait, malgré le succès d’un ultime opéra bouffe Il Flaminio, à son retour à Naples, et la perspective de succéder au véteran Domenico Sarro à la tête de la Chapelle Royale.
Pergolèse, génial révélateur mozartien
Avant tout, Pergolèse a trouvé très tôt sa vérité d’auteur lyrique et dramatique, ménageant un équilibre rarissime entre les exigences de la forme et les impératifs de la musique.
C’est d’ailleurs cette concentration singulière dans le style qui fait que sa « manière » est immédiatement identifiable au théâtre (on lui doit d’avoir opéré, dans ce domaine, une distinction décisive entre opéras seria et comica, révélant dans ce dernier genre, via la Serva Padrona, des effets insoupçonnés jusque là), comme au sanctuaire.
En d’autres termes, la production de Pergolèse témoigne d’une complicité jamais démentie entre invention et savoir-faire, parcourue par un pressentiment majeur qui explique l’influence déterminante qu’elle a jouée sur l’épanouissement du génie mozartien à la scène, comme sur l’apparition de l’école dite galante.
Maître mélodiste s’il en est, Pergolèse a acquis très vite, à titre posthume, une renommée européenne à laquelle le bonheur naturel de son chant n’est pas étranger. Aussi bien, en très peu d’années, ses œuvres firent l’objet d’une telle demande qu’il en résulta une incroyable inflation de son catalogue, pages authentiques ou douteuses intimement mêlées. Ce dont Bach lui-même se fera l’écho à Leipzig, avec la Cantate-parodie Tilge, Höchster, meine Sünden qu’il démarqua précisément du Stabat Mater, sur les paroles du Psaume 51, vraisemblablement entre 1741 et 1746.
Pour autant, et en guise de conclusion, disons que l’apport du Napolitain ne se limite pas qu’à cette vocalité bienheureuse. Ainsi de la polyphonie simple et transparente qu’on trouve dans les deux ou trois messes qui lui reviennent en certitude, preuve de l’excellence de la formation qu’il avait reçue de Durante, entre autres. Reste que le mystique Stabat Mater pour 2 voix solistes et cordes plane ici comme un emblème ; une figure d’éternité pour tous les amoureux du Baroque et les autres.
Roger Tellart
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