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Philippe Jordan et les Wiener Symphoniker - Grande classe – Compte-rendu

Le prestige de la Philharmonie de Vienne a souvent occulté les Wiener Symphoniker – second orchestre de la capitale autrichienne – dont les titres de gloire en feraient pourtant blêmir plus d’un. Philippe Jordan (photo) vient, cette saison, de prendre la direction de cette phalange qui peut s’enorgueillir d’avoir connu Karajan, Krips, Sawallisch, Giulini, Rozhdestvenski, Prêtre (chef titulaire de 1986 à 1991)… Salle Pleyel, le public était venu nombreux pour entendre le chef de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris, cette fois-ci avec ses musiciens viennois.
 
A mains nues, gestes toujours larges mais précis et expressifs, Philippe Jordan recherche avant tout la cohésion et l’équilibre des pupitres dans la Symphonie « Inachevée » de Schubert. La discipline et la fusion des instrumentistes témoignent d’un travail d’équipe où chacun fait partie d’une même famille. Fluidité et clarté l’emportent sur l’effet de masse. En soliste, la sémillante Khatia Buniatishvili défend avec brio le Concerto pour piano n°1 de Chostakovitch, et Rainer Küblböck, le trompettiste de l’orchestre, lui dame presque le pion dans ses interventions éclatantes et virtuoses, d’une netteté tranchante. Un bis (le 15ème Prélude de Chopin) paraît, sous les doigts de la pianiste, un rien contourné et trop sophistiqué.
Dans la Septième Symphonie de Beethoven, le chef et ses troupes mettent en avant sens de la construction, transparence des plans (Allegretto), élan dionysiaque (Allegro con brio final) dans une conception au classicisme affiché. Succès public remercié par la valse de Une vie d’artiste de Johann Strauss servie avec une suprême élégance par un orchestre au naturel rythmique irrésistible.  
 
La classe est aussi l’apanage de Bernard Haitink qui, quelques jours plus tôt Salle Pleyel avec un Orchestre de Chambre d’Europe au meilleur de sa forme, interprète la Troisième Symphonie de Brahms. Vision en clair-obscur, sans pathos, d’une perfection absolue mais aussi allégée et trop apollinienne. Emmanuel Ax, pianiste sûr, ne commet aucune faute stylistique dans le Concerto n°1 en ré mineur. Malgré son assurance technique et un métier indéniable, il ne parvient jamais à nous entraîner sur les plus hautes cimes.
 
Michel Le Naour
 
Paris, Salle Pleyel, les 24 (Haitink) et 28 (Jordan)  novembre 2014.

Photo Philippe Jordan © Ronaldo

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