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Paris - Compte-rendu : un peu trop de coups dans Le Nez. Chostakovitch à la Bastille

Attention, ceux qui ont fréquenté la très sobre et subtilement surréaliste mise en scène du Théâtre de chambre de Moscou vue à Paris voici quinze ans dans le cadre assez idéal de l’Opéra Comique, ceux là risquent d’éternuer très fort et de prendre leurs jambes à leurs cous. Car le spectacle réglé par Yuri Alexandrov frôle l’explosion incontrôlée.

Que Chostakovitch ait écrit ses musiques les plus folles dans le premier acte n’excuse pas cette division de moujik tirant leurs pousse-pousses où se livrant à des danses échevelées que rien dans la trame de l’action ne suppose. Des bonnes idées, Alexandrov en a pourtant à foison, le problème est que fort souvent elles ne sont pas celles de l’œuvre. La rencontre à la Cathédrale de Kazan du Nez et de son propriétaire donne lieu à une cérémonie funèbre assez déconcertante, survolée par deux oiseaux Sirine sortis tous droit de la Kitège rimskienne, le Nez émergeant d’un cercueil dans son habit militaire et se drapant dans un suaire frappé du N napoléonien.

Ces télescopages encombrés de plus ou moins d’intentions surchargent le déroulement dramatique au point de faire perdre de vue son propos caustique, sans évoquer l’effacement des tuilages constants entre fiction et probable réalité, tous passés dans la moulinette d’une hyperactivité assez soûlante.

Pailles dans la distribution : si August Amonov possède le métal nécessaire pour incarner le Nez, il n’en a pas tous les aigus, alors qu’Andrei Popov n’a ni le métal, ni les aigus hallucinants du Commissaire de Police. Un formidable Ivan (Serguei Skorokhodov) personnage qui inspire à Alexandrov les meilleurs moments de son spectacle, un Alexei Safulin, Kovalev assez inapprochable pour la voix comme pour le jeu, des seconds plans saisissants (les voyageurs), une apparition désopilante de Khorzev-Mirza sur son chameau, tout rappelle que le Marinsky est d’abord une troupe qui regorge de talents.

En fosse, Gergiev dirige avec violence, mais laisse s’échapper l’ironie. Quel orchestre tout de même, ces couleurs, ces attaques tranchantes ! Et au fond quelle chance que cette saison 2005-2006, qui nous donne tant d’ouvrages rares !

Jean-Charles Hoffelé

Première du Nez de Chostakovitch, Opéra Bastille, le 14 novembre, puis les 15, 17, 18 et 19 novembre

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Photo : DR / Opéra national de Paris
 

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