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Paris - Compte-rendu - Soleil trompeur


La venue d’Hélène Grimaud avec l’Orchestre de Paris attire incontestablement les foules, tant l’image de cette pianiste hyper médiatisée dépasse le seul phénomène musical. Toutefois, c’est du côté du chef d’orchestre, l’Américain David Zinman (photo) (un disciple de Pierre Monteux qui veille depuis 1995 aux destinées de l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich), que se situe en réalité l’événement.

Dans le Concerto n°4 en sol majeur, op 58 de Beethoven, l’interprétation de la soliste n’appelle guère de commentaires. Cette œuvre, qu’elle a enregistrée, lui est familière et elle ne cesse d’ailleurs de la remettre sur le métier depuis de nombreuses années. Est-elle lassée ou bien simplement n’a-t-elle plus grand-chose à nous en apprendre ? Sous des apparences plus extérieures que vécues, son exécution semble parfaite mais sans vie, la projection apparaît très limitée, la sonorité est agréable tout en manquant de couleurs, la dureté occasionnelle des attaques et des accords nuit aux élans puissants. A son actif cependant, un sens de la construction indéniable, un mouvement lent interrogateur qui ne suffit pas à convaincre. Le chef d’orchestre sait communiquer (les tutti sont à cet égard d’une parfaite cohérence), mais dans une certaine mesure, il fait cavalier seul sur le plan de l’expression.

La Symphonie n°15 en la majeur, op 141 de Chostakovitch (la dernière du compositeur), écrite entre avril et juillet 1971, permet à David Zinman de montrer pleinement de quel bois sa direction est faite. Avec une économie de moyens, une aptitude à assurer les transitions si délicates où Chostakovitch passe sans coup férir de l’ironie la plus débridée au sarcasme surréaliste, de la désespérance la plus désolée au triomphalisme le plus trompeur, il dispense une version épurée d’une parfaite homogénéité sans jamais s’appesantir sur le pathos.

L’angoisse transparaît pourtant (annoncée par le collage obsessionnel du thème du mauvais sort dans le Crépuscule des dieux), la mort même fantasmagorique est présente et le final atteint une dimension surnaturelle scandée par le tic-tac de la percussion claire. On ne sort pas indemne d’une interprétation à ce point maîtrisée. L’Orchestre de Paris, dirigé de telle manière, se montre à la hauteur de l’enjeu et chaque intervention de soliste est un moment de bonheur. Le débordement d’enthousiasme du public apparaît plus que mérité.

Michel Le Naour

Paris, Salle Pleyel, 18 mars 2009

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Photo : DR

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