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Paris - Compte-rendu : Cosi fan tutte selon Chéreau, hommage à Giorgio Strehler
Dans l’ombre des cœurs. Pour son retour à l’opéra, Patrice Chéreau rend hommage à Giorgio Strehler.
Le rideau est levé, le décor unique de Richard Peduzzi, l’arrière d’un théâtre, le contraire de l’illusion, interdit toute retraite. C’est en mettant au pied du mur les personnages de Cosi fan tutte que Chéreau expose leurs vérités. Le buffo est discrètement évacué, chacun se retrouve face à lui même, le jeu des masques n’est envisagé que comme un révélateur, une catharsis, fuit toutes les tentations du divertissement. Pourtant le trait n’est jamais chargé, Chéreau ne s’autorisant aucune infidélité au texte de Da Ponte, comme à la musique de Mozart : sa direction d’acteur chorégraphiée tombe immanquablement juste.
L’élégance de l’ensemble étonne après tant de Cosi transposés au XXe siècle, avec son ambiance à la Marivaux, l’équilibre entre les plaisirs et la tristesse. On gardera longtemps dans l’œil ce final assombri où les cinq esseulés font cercle, espérant un consolation devant la cruauté de l’existence, ou ce long début commencé dans la salle pour ne se fondre dans la scène qu’au travestissement.
Et le spectacle vous hantera longtemps. Les musiciens de l’orchestre de l’Opéra ont-ils eu raison de rendre sa liberté à Daniel Harding ? Ils n’ont hélas pas gagné au change avec la direction générique de Gustav Kuhn et durant tout le I ont joué dur et approximatif pour se reprendre au II. Les méformes de Barbara Bonney et de Shawn Mathey interdisent de commenter leurs contre-performances. On redoutait la Fiordiligi d’Erin Wall, probablement trop légère. Si la voix doit encore s’étoffer, le grave s’assoire, cette Fiordiligi fragile trouvait ses appuis dans la conception de Chéreau.
Avec son baryton haut placé et sombre de timbre, à la diction tranchante et aux harmoniques profondes, Stephane Degout nous fait le plus parfait Guglielmo qu’on ait entendu en scène, et Elina Garanca impose une Dorabella retenue, plus fragile que son instrument somptueux le laisse croire au début. Ruggero Raimondi ne chante plus et cela lui aura valu les sifflets. La belle affaire ! Le public n’a pas saisi avec quel art consommé de la comédie comme du drame la basse italienne rendait le caractère de celui qui tire les ficelles. Composition impérissable, qui a elle seule mériterait que vous voyiez un des spectacles boudés presque unanimement par la critique depuis sa création à Aix cet été. Ne laissez pas passer ce Cosi unique, on n’a pas été aussi près de Mozart depuis les Noces de Strehler. Jean-Charles Hoffelé
Wolfgang Amadeus Mozart, Cosi fan tutte, Palais Garnier le 18 septembre 2005, puis les 21, 26, 29 septembre et les 5, 7, 10, 13, et 15 octobre.
Programme détaillé de l’Opéra Garnier
Photo: Eric Mahoudeau/Opéra de Paris
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