Journal
François Dumont au Festival Chopin à Paris 2025 – Laisser parler la musique – Compte-rendu

C’était en 2004. Placé sous le thème « Polonia », le Festival Chopin à Paris recevait pour la première fois François Dumont dans le cadre de sa journée « Piano à Portes Ouvertes » (1) ; on l’a retrouvé plusieurs fois par la suite dans la programmation officielle. C’est dire que la 40e édition de la manifestation, placée cette année sous le signe de la fidélité, se devait d’inviter ce grand chopinien – car il ne suffit pas d’aimer la musique de Chopin, il faut être aimé d’elle en retour ; Dumont est de ces élus.
Fidélité ... Depuis le début d’une carrière que, côté disque, il n’avait pas hésité à commencer par une intégrale (remarquée !) des sonates de Mozart (2), François Dumont montre une absolue fidélité à une idée de l’interprète qui peut tenir en une formule toute simple : laisser parler la musique. Il ne s’agit là en aucun cas de s’effacer, de se cacher derrière la partition, mais tout au contraire de lui apporter une disponibilité, une écoute agissante, de se faire le complice fidèle des intentions du compositeur. Moins spectaculaire que les coulées d’ego certes, mais tellement plus satisfaisant et nourrissant pour ceux qui savent entendre. Et tellement plus exigeant pour l’exécutant faut-il ajouter ...
Chopin et Debussy en regard
Avec Bach, Mozart, Ravel et Fauré, Chopin et Debussy comptent parmi les compositeurs favoris de François Dumont – un panthéon qui a valeur de portrait ... Chopin et Debussy, deux auteurs que le pianiste avait décidé de mettre en regard dans son programme à Bagatelle – après avoir livré il y a quelques mois un splendide récital Debussy sur le Blüthner du compositeur (La Música).(3) Le rapprochement apparaît on ne peut plus évident entre des créateurs différents par leurs époques et leurs caractères, mais tellement proches dans leur relation au clavier, leur goût de la forme brève, leur aptitude aussi à donner une valeur expressive à chaque note couchée sur le papier réglé – bavardage et remplissage : tels furent leurs ennemis communs !

© Julie Cholley
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Parfum de musique
Chopin ouvre la soirée avec deux nocturnes : l’ut mineur op. posth., distillé avec une intense pudeur sur une main gauche expressive quoique jamais pesante (merveille que la partie centrale, légère comme un souffle d'air ... ) et l’Opus 27 n° 2, aussi belcantiste qu’admirable par les miroitements du timbre. L’art de la couleur de François Dumont ne séduit pas moins dans la Suite bergamasque, tendre, espiègle et fantasque en ses mouvements vifs, tandis que le Clair de lune, fuyant les pamoisons auxquelles la pièce prête parfois le flanc, n’est plus que parfum de musique. Retour à Chopin avec le 3e Impromptu. Fluidité, liberté de geste : l’interprète semble faire naître la musique sur le clavier, au même titre que dans la 3e Ballade, portée par un sens du récit qui en traduit la fierté et la virilité avec une superbe palette sonore.
Comme Debussy fondait de bonheur paternel devant sa chère petite Chouchou, on cède immédiatement à l’humour et l’humilité pleine d’émerveillement que François Dumont apporte au Children’s Corner, placé juste après la pause (que d’art dans le mélange de rêve et de mystère de Jimbo’s lullaby, dans la mise en valeur des plans sonores deThe snow is dancing ...). Si vous ne connaissez pas son enregistrement, découvrez-le sans faute !
Projection dans le futur
On retrouve le Polonais avec le 1er Impromptu, palpitant d'impatiente jeunesse, avant les deux Nocturnes op.48. Rien de forcé, ni de surjoué dans l’ut mineur ; l’interprète laisse le drame surgir et, sachant prévenir les applaudissements, enchaîne avec le souvent mésestimé fa dièse mineur. Tout fait sens : un baume pour l’âme ...
Le 4e Ballade termine, radieuse de luminosité et de modernité. On vous fait grâce des mots mille fois répétés du grand Cortot au sujet de l’Opus 52, pour saluer la façon dont l'artiste, par son sens harmonique et la variété de son toucher, projette la musique dans le futur et la fait regarder vers Debussy, Ravel et bien d’autres ... Conclusion logique d’un dialogue entre deux compositeurs foncièrement libres, servis par un interprète de premier ordre.
Conclusion ? Seulement après trois bis : La plus que lente de Debussy, Valse op. 64 n° 1 et Berceuse de Chopin.
Quant aux semaines qui viennent, très actives pour François Dumont, notez qu’elles le verront se lancer dans l’intégrale des Harmonies poétiques et religieuses de Liszt au Festival de Montpellier, le 16 juillet.(4)
Alain Cochard

Paris, Parc de Bagatelle, Orangerie, 30 juin 2025 // Festival Chopin à Paris, jusqu’au 14 juillet : www.frederic-chopin.com
(1) www.concertclassic.com/article/21e-festival-chopin-sous-le-signe-de-la-pologne
(2) www.concertclassic.com/article/francois-dumont-un-mozartien-est-ne
(3) www.concertclassic.com/article/une-interview-de-francois-dumont-debussy-sur-son-piano
(4) www.francoisdumont.com/shows/festival-radio-france-montpellier-2/
Agenda de François Dumont : www.francoisdumont.com/shows/
Photo : © Jean-Baptiste Millot
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