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Ottone de Haendel au Festival de Beaune - Autant en emporte le chant - Compte-rendu

Ottone de Haendel au Festival de Beaune - Autant en emporte le chant - Compte-rendu

Parmi la foison des festivals de l’été français, Beaune se distingue, qui a à cœur, édition après édition, de présenter des œuvres rares. Ainsi de Ottone, qui ouvre le premier week-end de cette 35e édition, opéra d’un Haendel que l’on a bien peu l’occasion d’entendre. Ce concert suit et illustre, en outre, l’enregistrement qui vient de paraître (1), avec les mêmes participants à quelques changements près pour la distribution vocale.
 
Le maître d’œuvre est donc George Petrou, pour sa première apparition à Beaune, à la tête de l'ensemble Il Pomo d’Oro. Le jeune chef d’orchestre venu de Grèce, qui s’est taillé une solide réputation internationale dans le répertoire baroque et tout particulièrement dans Haendel, remplit hautement sa tâche, avec une inépuisable énergie et une attention à chaque détail devant un orchestre qu’il maintient survolté. L’œuvre le mérite assurément, qui aligne arias da capo à répétition mais soutenus de belles piques mélodieuses à travers des coloris expressifs changeants. Reconnaissons toutefois que cet opéra créé en 1723, l’un des premiers de la florissante période londonienne du compositeur, n’atteint pas nécessairement le génie supérieurement inspiré qui gouverne d’autres de ses œuvres lyriques (Rinaldo ou Alcina, par exemple).
 
Haendel devait pourtant tenir à son sujet, qui reprend un livret déjà utilisé peu avant à Dresde par un opéra d’Antonio Lotti, mais revu et condensé, pour narrer les mésaventures guerrières comme amoureuses d’un souverain germanique du Moyen Âge, Othon II empereur du Saint-Empire Romain-Germanique au Xe siècle de notre ère. Mais voyons-y tout autant un prétexte pour donner de la voix aux chanteurs, parmi les plus fameux du temps, et marquer fastueusement le retour de Haendel auprès des faveurs royales britanniques. Et c’est ainsi que le succès triomphal accompagna l’entreprise.

Max Emanuel Cenčić © Laidig

Devant pareille et intimidante référence historique, le plateau vocal réuni pour cet Ottone estival (!) dans la basilique Notre-Dame de Beaune (repli de la Cour des Hospices pour cause de canicule), sait relever le défi. Max Emanuel Cenčić s’empare du rôle-titre avec l’ardeur et l’aura qu’il distille comme peu. Mais la belle surprise vient de Dilyara Idrisova, pour le rôle charnière de Teofane (la promise de l’empereur), dans une souffrance exaltée où sa technique sûre se joue d’ornements échevelés comme de notes de passage voguant de l’éclat d’aigus emportés à des registres tout en subtilités. Cette soprano, nouvelle venue par rapport à l’enregistrement, semble promise à la plus resplendissante des carrières. Mais chacun des autres constituants de la distribution de s’investir au mieux. Ainsi la basse solide Luigi De Donato et le clair contre-ténor James Hall (eux aussi nouveaux venus), ou les expressives Ann Hallenberg et Anna Starushkevych, en dépit d’une émission limitée pour la seconde. Une longue soirée (plus de trois heures de musique, malgré deux ou trois petites coupures) tout à l’honneur de l’exigence du festival de Beaune et de son éloquente mission de divulgation.
 
Pierre-René Serna

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(1) 3 CD, Decca, paru en juin dernier

Haendel : Ottone, re di Germania – Basilique Notre-Dame, Beaune, 7 juillet 2017 / Festival de Beaune, jusqu'au 30 juillet 2017 www.festivalbeaune.com/

Photo : George Petrou © Ilias Sakalak

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