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Otello de Rossini au Théâtre des Champs-Elysées - Intensité dramatique - Compte-rendu

Il est des représentations lyriques qui constituent un accomplissement. Ainsi de l’Otello qui ouvre le « Festival Rossini » programmé cette saison par le Théâtre des Champs-Élysées. Car, entre la mise en scène et les interprètes, se fond un creuset où tout, ou presque – nous y reviendrons –, s’allie pour faire de cette représentation un moment d’exception.

Moshe Leiser et Patrice Caurier marquent donc avec éclat leur grand retour parisien. Leur production, déjà étrennée il y a deux ans à Zurich, replace le drame dans notre époque, celle que des luttes de pouvoir qu’inspirent la trame, sans nécessairement mettre l’accent sur Shakespeare et sachant conserver l’esprit propre au livret de l’opéra de Rossini. Otello est donc accueilli lors d’un banquet officiel par les notables et dignitaires d’un État (italien, ou de tout autre gouvernement politique actuel). Le conflit entre Otello et Rodrigo se scelle dans un bouge urbain fréquenté par des immigrés : ou « de l’avenue Montaigne à Barbès », comme le précise Leiser. Et les affres solitaires de Desdemone la retrouvent dans sa chambre d’un palais (vénitien ?) quelque peu décadent. Autant de décors et de situations justement trouvés, dans des changements d’éclairages appropriés, aptes à mettre en exergue la portée intemporelle de l’action.
 
C’est dire qu’elle nécessite des interprètes un véritable engagement scénique, un jeu d’acteur assumé. Contrat rempli, et au-delà !  En raison surtout du rôle principal, Desdemone (et non pas le rôle-titre !), transmis par une grande tragédienne, une bête de scène : Cecilia Bartoli, incandescente réincarnation de la Malibran. La mezzo, qui n’a rien perdu de sa projection vocale et de sa prodigieuse maîtrise ornementale (comme en témoignent ses sublimes pages finales), est Desdemone, lionne blessée, brûlant les planches du feu de son art dramatique. Ses trois partenaires masculins ne sont pas en reste, éminemment crédibles, mais en retrait comme le veut leur personnage et dans l’ombre de leur grande inspiratrice. Dans ce combat entre trois ténors de tessiture équivalente, voulu par Rossini, la victoire revient paradoxalement à celui que l’on attendait pas : Edgardo Rocha, Rodrigo d’un magnifique legato. Mais John Osborn ne faillit pas pour autant dans le rôle central (auquel l’opéra doit son intitulé), en dépit de quelques aigus poussés. Tout comme Barry Banks, Iago dont la perfidie n’entrave pas le beau phrasé.
 
Reste l’orchestre. Avec sa battue excitée, Jean-Christophe Spinosi semble mettre plus de nerfs que rigueur. Conséquence induite : l’ouverture, jouée à rideau fermé, n’annonce déjà rien de bon, entre décalages et couacs. Le choses se mettent ensuite mieux en place du côté des instrumentistes de l’Ensemble Matheus, avec toujours, de-ci de-là, quelques attaques incertaines et pets des vents… Bonne participation, et immédiate en revanche, du Chœur du Théâtre des Champs-Élysées. 
 
Pierre-René Serna
 
Rossini : Otello - Théâtre des Champs-Élysées, Paris, 7 avril ; prochaines représentations : 9, 11, 13, 15 et 17 avril 2014
 
www.concertclassic.com/concert/otello-de-rossini
 
Photo : Vincent Pontet / Wikispectacle

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