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​Tom Carré au Festival International de Colmar 2025 – Nouveaux horizons – Compte rendu

 

Chaque midi au Festival de Colmar, le public a rendez-vous avec les interprètes de la nouvelle génération grâce au Cycle Jeunes Talents, organisé au Koïfhus en partenariat avec le CNMSDP. S’il est encore en 3Cycle dans cet établissement, Tom Carré n’est plus un inconnu pour le public depuis la sortie –  remarquée ! – d’un album Schumann / Ravel chez Scala Music en 2023. Depuis, l’enfant de Carcassonne a souvent eu l’occasion de se faire entendre chez ces deux auteurs, mais c’est avec Brahms, Kodály, Rachmaninov et Prokofiev qu’il s’est présenté au public colmarien.
 
La sonorité aimante immédiatement l’oreille
 
Du Schumann à Brahms, le chemin est vite parcouru. Quatre Klavierstücke op. 119 : on pourrait imaginer composition plus spectaculaire en ouverture de récital. Le choix de cet opus ultime est révélateur d’un tempérament qui place la dimension poétique au premier plan. Dès l’Adagio initial, par sa densité, la sonorité aimante immédiatement l’oreille et l’on ne peut qu’être admiratif de la concentration expressive que l’interprète manifeste d’un bout à l’autre du cahier. Jusqu’à une Rhapsodie conclusive qui renoue certes avec le feu de certaines pages de jeunesse, mais n’oublie pas les pointes d’amertume qu’appelle cette réalisation ultime.

Chères autrefois à György Sebök (elles étaient au programme de son dernier récital parisien à l’Auditorium du Louvre à la fin des années 90), les Danses de Marosszék de Zoltan Kodály sont plus que rares dans les programmes actuels ; on ne peut que se féliciter de voir un jeune artiste les inscrire à son répertoire, et, plus encore, les défendre d’aussi convaincante façon. Il enchaîne les huit brèves sections de l’ouvrage d’une manière aussi naturelle qu’imagée et narrative et sait préparer l’auditoire à la joyeuse explosion de couleurs et de rythmes de l’Allegro con brio conclusif.

 

© FIC - Bertrand Schmitt

 
Chez les Russes
 
C’est la première fois qu’on entend Tom Carré chez les Russes ; d’évidence, il a beaucoup de choses à nous dire en ce domaine. Les trois préludes de Rachmaninoff pris au cœur de l’Opus 23 (nos 4, 5 et 6) se refusent à tout sentimentalisme et, dans le sol mineur, la progression dramatique très contrôlée par laquelle le pianiste amène le retour du thème mérite d’être soulignée. Puisse Tom Carré aller plus loin dans l’exploration des Préludes et regarder aussi du côté des Etudes-Tableaux, qui ne lui réussiraient pas moins. Sans parler de Scriabine (on le rêverait osant la terrifiante 6Sonate ...), Lourié ou – grands oubliés – Rebikoff et Sabaneyev ...
 
Quant à Prokofiev, on encourage tout autant l'interprète à poursuivre chez cet auteur après l’avoir entendu dans la Sonate n° 4 « D’après des vieux cahiers ». Là encore, la présence de l’Opus 29 en conclusion est révélatrice de la personnalité de l’artiste. À quelle étrangeté, quelle radicale noirceur parvient-il dans deux premiers mouvements (cet Andante assai ...) sondés jusqu’à leur tréfonds, avant un finale saisissant par son énergie lapidaire et mordante. Exceptionnel !
Sonder le tréfonds de la partition: Tom Carré en offre un ultime exemple en bis avec Ravel et une Vallée des cloches d’une rare prégnance. Heureux public américain qui va avoir l’occasion de découvrir le Français cet été à l’occasion de ses débuts outre-Atlantique.
 
Alain Cochard
 

Colmar, Koïhfuss, 10 juillet 2025
 
 
Photo © FIC – Bertrand Schmitt

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