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Montpellier - Compte-rendu : L’Elisir d’amore

Quelques semaines après l’Opéra Bastille qui présentait une reprise de L’Elisir d’amore signée Laurent Pelly, celui de Montpellier proposait une version réalisée par Davide Livermore (production de l’Opéra Giocosa de Savona). La confrontation était d’autant plus intéressante qu’elle mettait en lumière de nombreuses analogies amusantes et complémentaires. Avec des moyens et des plateaux sensiblement différents, Pelly et Livermore ont tout les deux opté pour une plongée dans la campagne italienne des années cinquante, avec force moissons, travaux des champs, paysans écrasées de soleil, vespa, trattoria et banquet improvisé pour le premier, vélo, fête foraine et hommage appuyé à Fellini, pour le second.

Elisir tendre et ludique chez l’un, fantasque et cinéphile chez l’autre, qui se plaît à convoquer dans ses « décors naturels » les fantômes de Cabiria, Casanova, Ginger et Fred ; le charlatan Dulcamara est quant à lui entouré d’une Gelsomina et d’un Zampano (La Strada) de pacotille et va jusqu’à endosser le costume du cinéaste (écharpe jaune et chapeau) avant de disparaître emporté par une lune, en hommage au dernier film du maestro (La voce della luna).

Paysan crédule et nigaud, Nemorino fond devant une Adina qui joue les starlettes en robe juponnée, lunette et foulard à la Grace Kelly, au milieu d’une jeunesse laborieuse qui ne pense qu’à s’amuser après l’ouvrage. C’est frais, divertissant et mené avec autant d’efficacité qu’à Paris, même si Pelly est un directeur d’acteur autrement plus doué et ambitieux que ne l’est Livermore, uniquement préoccupé à régler une aimable agitation. A Paris, seul Charles Castronovo, Nemorino au style irréprochable, tirait son épingle du jeu sur le strict plan vocal, la palme de la comédie revenant à Laurent Naouri, Belcore survolté ; l’Adina pâlotte de Heidi Grant Murphy et l’honnête Dulcamara d’Alberto Rinaldi conduits avec délicatesse par Edward Gardner, ne laissant pas de souvenir impérissable.

Sur la scène languedocienne, Nicole Cabell (photo) a illuminé la représentation. Lauréate du prestigieux Concours de chant de Cardiff en 2005, cette jeune soprano lyrique, au timbre lumineux et soyeux, dotée d’une redoutable technique, n’a fait qu’une bouchée du personnage d’Adina, irrésistible coquette au grand cœur. Jouant et vocalisant avec l’aisance de celles qui voient grand et loin, cette artiste aux intuitions musicales déjà affirmées - dont le premier album est attendu chez Decca et qui vient de remplacer au pied levé Angela Gheorghiu dans Roméo et Juliette en concert à Berlin, où elle doit chanter Illia – est assurément promise à un bel avenir.

Dans son sillage, le baryton Riccardo Novaro s’est révélé un remarquable Belcore, au chant souple et délié, tandis que Valeriano Lanchas offrait un portrait assez traditionnel mais savoureux de Dulcamara, entouré par une sémillante Giannetta (Laure Baert). Seules ombres au tableau, le Nemorino inexistant de Riccardo Botta, arrivé en catastrophe après la défection de Bülent Bezdüz et l’orchestre, le National de Montpellier, dirigé de façon déplorable par Matteo Beltrami, tout juste comparable à une fanfare municipale.

François Lesueur

Opéra-Comédie de Montpellier, le 5 décembre 2006

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