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Montpellier - Compte-rendu - Lawrence Foster et Evgeny Kissin : une rencontre à l’unisson

Igor Livshitz

Si Paris ne s’est pas encore dotée d’une salle symphonique du niveau de sa scène musicale, il n’en est rien de Montpellier et de son Corum. Un véritable temple de la musique comme on en voit peu en France… Prenez son opéra Berlioz : 2010 places réparties de façon élégante avec sa configuration originale et 6 étages de loges. L’excellente acoustique fait même penser à ce qu’on trouve en Allemagne. Un petit bémol au tableau ce soir là avec une climatisation à l’extrême. Preuve que le confort n’en devient parfois plus un.

Lawrence Foster et l’orchestre de la fondation Gulbenkian débutent ce concert du Lundi 18 juillet avec un programme ambitieux pour une soirée tout en crescendo…
Les variations sur « la Folia di Spagna » d’Antonio Salieri, tout d’abord, laissent d’emblée entrevoir une profondeur des cordes et une finesse des bois. Sobre dans ses interventions, Foster mise sur une précision de métronome, tellement déterminante dans le choix des couleurs et des nuances. Une partition qui parle forcément à cette formation Portugaise, empreinte de culture populaire. Les musiciens - notamment une formidable clarinettiste - sont tour à tour mis en avant par de brillants solos. Ces qualités expressives trouvent toute leur raison d’être dans les extraits de la suite pour orchestre n°1 de Georges Enesco. Œuvre roumaine peu jouée qui installe une sorte de mystère dans sa longue introduction où n’interviennent que les cordes. Par la suite, un deuxième développement envolé et chatoyant qui sied particulièrement aux sonorités de l’orchestre.

Les Danses de Galanta du compositeur hongrois Zoltan Kodaly et son superbe thème joué à la clarinette, s’inspirent également du folklore de son pays d’origine. Les nombreux effets rythmiques - changement de tempo, violentes syncopes - caractérisent cette pièce profondément rhapsodique. L’orchestre offre en bis une page épique avec le « staccato milante » de Braga Santos. Il célèbre ainsi les 17 ans de la mort du compositeur Portugais.

Après l’entracte, le pianiste Russe Evgeny Kissin se lance dans une version très personnelle du Concerto n°5 de Beethoven. Avec la virtuosité qu’on lui connaît et tout en restant fidèle à la conception beethovénienne. Ce soir encore celui qu’on a parfois injustement classé dans la catégorie ‘poids lourd’ a su aussi faire patte de velours dans un « Empereur » majestueux et dépoussiéré. Il opte dès l’allegro pour des phrasés amples et abrupts, servi par un jeu puissant et clair, une utilisation parcimonieuse de la pédale. Une qualité de trille rarement entendue et une articulation à l’extrême dans les passages lents. Des ralentis très marqués plus ou moins réussis surprennent toutefois.

Il est vrai que le soliste a dû ajuster son rapport à l’instrument en raison d’un son très clinquant et métallique. Un réglage harmonique qui a quelque peu gâché la performance surtout dans le second thème de l’adagio un poco mosso. Saluons le choix du tempo de ce 2e mouvement qui est bien souvent joué trop lentement. L’orchestre, quant à lui, fait jeu égal avec le soliste pour aboutir à un splendide rondo final. Une véritable jubilation héroïque. Kissin se démarque à nouveau avec une très inhabituelle main gauche, bondissante et nerveuse. Suivirent deux bis. Un Rondo a Caprioso op.129 de Beethoven d’anthologie puis ses six écossaises en mi bémol, rafraîchissantes et remplies d’humour.

Florence Michel

Festival de Radio France et Montpellier, le 18 juillet 2005

Photo: DR
 

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