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Miranda d’après Purcell à l’Opéra-Comique - Patchwork cousu main - Compte-rendu

Pour son spectacle de rentrée, l’Opéra-Comique fait appel à des artistes renommés, Raphaël Pichon et Katie Mitchell entre autres, sous l’aile tutélaire de Purcell. Car Miranda n’est pas à proprement parler une œuvre de Henry Purcell, sinon un assemblage divers d’anthems et odes du compositeur, associés par moment à des pages d’autres compositeurs britanniques, sur un livret entièrement neuf pour une œuvre également nouvelle.
 
On sait que Purcell a écrit nombre de musiques de scène pour les représentations théâtrales du temps. Des musiques dramatiques donc, pour plus de quarante spectacles, mais qui aujourd’hui dorment dans les cartons ou n’apparaissent qu’au concert. L’idée qui préside à Miranda, est donc de combiner certains de ces fragments épars, pour leur redonner leur dimension dramatique perdue. Intention louable… Cordelia Lynn en a conçu le livret, en anglais comme il se doit, adapté de La Tempête de Shakespeare. D’où le nom de la principale protagoniste, Miranda (rôle peu développé dans La Tempête), mais aussi de ses acolytes, Ferdinand, Prospero et Caliban.

© Pierre Grosbois
 
Parmi une trame noire, qui ne retient de la pièce de Shakespeare que les conflits et ressentiments tumultueux, entre de sordides évocations d’incestes et de viols. La musique de Purcell, mais aussi de Matthew Locke (1621-1677), de Jeremiah Clarke (1674-1707), d’Orlando Gibbons (1583-1625) et d’anonymes du temps, choisie opportunément parmi de belles pages inspirées, s’insère judicieusement entre des passages parlés (quelque peu sonorisés, en dépit de l’acoustique favorable de la salle Favart). À la manière d’un mask… ou d’un opéra-comique. Et avec quelques libertés parfois par rapport à l’original musical (comme le signale honnêtement R. Pichon). Pour une nouvelle œuvre lyrique en forme d’hybride cousu main qui recèle bien des séductions.

Raphaël Pichon © Jean-Baptiste Millot
 
L’interprétation y est pour beaucoup, servie par des participants chevronnés. Kate Lindsey et Katherine Watson, Miranda et Anna, dispensent un phrasé vocal lumineux que ne ternit pas l’expression douloureuse. Allan Clayton figure un ténor d’une claire vaillance, pour camper Ferdinand, l’amoureux éconduit de Miranda. Marc Mauillon, occasionnel Pasteur, possède toujours la projection idoine qu’il sait distiller. Henry Waddington, déclaré souffrant mais présent sur scène, est fermement suppléé, depuis la fosse, par Alain Buet. Et notons la jolie apparition d’Aksel Rykkvin, soprano garçon pour Anthony. Le Chœur Pygmalion, la Maîtrise populaire de l’Opéra-Comique, à l’occasion pour certains rôles solistes, vibrent d’un magnifique ensemble. L’Orchestre Pygmalion tout autant, sous la battue vigilante de R. Pichon, malgré une sonorité parfois un peu étale.
 
Quant à la mise en scène de Katie Mitchell, elle verse dans l’enfermement, qui correspond bien aux transes du livret. À savoir un décor cubique d’intérieur d’église moderne, toute grise de béton (simulé), où les personnages vêtus de noirs, comme il sied à des fidèles, laissent éclater leurs différends entre des rangées de chaises. Assez angoissant… Mais en phase avec un livret que la musique transcende d’une aura sublimée.
 
Pierre-René Serna

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Miranda, d’après Henry Purcell – Opéra-Comique, Paris, 25 septembre ; prochaines représentations les 27, 29 septembre, 1er, 3 et 5 octobre 2017 / www.concertclassic.com/concert/miranda

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