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Michael Tilson Thomas et l’Orchestre Symphonique de San Francisco à la Philharmonie de Paris- Ardeur et demi-teinte – Compte-rendu

Les occasions sont rares d’entendre à Paris l’Orchestre Symphonique de San Francisco dont Michael Tilson Thomas assure depuis vingt ans la direction musicale. A la Philharmonie, les musiciens et leur chef trouvent un écrin propice pour magnifier une sonorité qui s’est bâtie sur la transparence, la ductilité, l’aération et la subtilité grâce à un travail constant sur la cohésion des pupitres et une écoute collective relevant de la musique de chambre.
 
Malhérien reconnu (il a enregistré une intégrale des Symphonies), Tilson Thomas ne cesse de se confronter à ces partitions, à l’instar de son mentor Leonard Bernstein dont il a hérité la passion pour le compositeur viennois. L’interprétation de la 1ère Symphonie « Titan » fait la part belle aux jeux d’ombre et de lumière : le discours, très construit et fluide, évite pathos et démesure dramatique. Chaque climat (le panthéisme, les flonflons des marches militaires, l’esprit du cabaret, l’affrontement de l’homme et du destin…), méticuleusement agencé, séduit par les gradations de nuances, le contrôle d’une progression dynamique proche de la perfection. Ne manque à cette exécution très calculée que le grand souffle de la découverte comme si les excellents musiciens, habitués à se produire sous cette baguette expérimentée et brillante, recherchaient davantage la sécurité d’un cocon protecteur que la démesure imaginative.
 
Avec la pianiste chinoise Yuja Wang dans le 4ème Concerto de Beethoven, on assiste au mariage de la carpe et du lapin. Accompagnateur attentif, le maestro tire de son orchestre une plénitude qui contraste avec l’ardeur de l’interprétation (cadence de l’Allegro moderato initial) d’une soliste plus préoccupée par la démonstration de ses moyens – au demeurant immenses – que par le style et l’esprit beethovéniens. L’Andante con moto, parfois à la limite du silence, paraît plus fabriqué que vécu. Seul le Rondo final apporte une note de grâce musicale sans pour autant convaincre.
Faute de goût ou péché de jeunesse, pour répondre à l’acclamation du public, la Marche turque de Mozart revisitée par Arcadi Volodos offre un bis spectaculaire mais sans lien avec ce qui précède. L’aria extraite d’Orphée et Eurydice de Gluck (transc. Sgambati) manque de poésie immatérielle mais affirme une perfection technique imparable, comme d’ailleurs l’ensemble du concert.  

Michel Le Naour
 
Paris, Philharmonie, 14 septembre 2015

Photo © Art Streiber / michaeltilsonthomas.com

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