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Les Producteurs au Théâtre de Paris – En l’an 50 avant PC – Compte rendu

Avec Mel Brooks, qui devrait souffler l’an prochain ses cent bougies, on pouvait toujours être certain qu’il cocherait toutes les cases : dès Les Producteurs, son premier long-métrage, réalisé en 1967, il n’épargnait aucune catégorie et affirmait que l’on pouvait rire de tout, même de Hitler (le film fut d’ailleurs longtemps interdit en Allemagne). Estimant que le ridicule était la meilleure arme face à l’horreur, le comique américain pratiquait le mauvais goût comme une forme d’art, mais 1967, bien sûr, c’était une autre époque, antérieure à la naissance de ce dieu tout-puissant qu’est aujourd’hui le Politiquement Correct.
La controverse contribua à faire des Producteurs un film-culte, prouvant qu’un réalisateur juif et des acteurs juifs pouvaient tirer une comédie du Troisième Reich. Devant ce succès, Mel Brooks conçut lui-même le livret et la partition d’une comédie musicale présentée à Broadway en 2001, et produisit le film qui fut ensuite tiré du musical. Et en 2021, alors que la France succombait depuis plusieurs années déjà à un engouement certain pour le genre, Alexis Michalik proposa une version française du spectacle, repris cet automne au Théâtre de Paris.

@ Alessandro Pinna
Le Politiquement Correct, le dramaturge et metteur en scène franco-britannique révélé par Edmond en 2016 n’en a lui aussi que faire. Couronnée en 2022 par un Molière du meilleur spectacle musical, sa production des Producteurs en rajoute dans certains domaines où, rétrospectivement, Mel Brooks semblait avoir fait preuve d’une grande retenue : dans cette version française, le metteur en scène Roger de Bris et son compagnon Carmen Giya deviennent des folles outrancières, le producteur Max Bialystock se conduit encore plus comme un loup de Tex Avery, le néo-nazi Franz Liebkind est un Teuton plus caricatural encore, et la secrétaire suédoise Ulla est plus femme-objet que jamais. Près de soixante ans après le film, ces choix sont d’autant plus subversifs que nul n’est censé ignorer le Politiquement Correct.

© Alessandro Pinna
Si l’action du film, avec ses costumes très sixties, était contemporaine de sa réalisation, la comédie musicale se situe, elle dans les années 1950, et les décors et costumes du spectacle français oscillent entre l’avant-guerre (spectateurs en haut-de-forme) et les années disco (Village People apparaît dans l’entourage de Roger de Bris). Certains numéros rendent hommage à la grande tradition de Broadway, comme celui où le comptable Leopold Bloom, nom emprunté à Ulysse de James Joyce, évoque son rêve de devenir producteur, ou le spectacle « Des fleurs pour Hitler », avec ses costumes fantasques qu’aurait pu imaginer Erté. On appréciera aussi le ballet des déambulateurs, entre autres facéties. Pour cette reprise, la distribution a été largement renouvelée : si Roxane Le Texier retrouve le rôle d’Ulla, les autres têtes d’affiche ont changé, avec notamment Florent Peyre en producteur véreux et Alexandre Faitrouni en comptable benêt.
Laurent Bury

Mel Brooks : Les Producteurs - Théâtre de Paris, 9 octobre 2025 // www.theatredeparis.com/les-producteurs/
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