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L’Ensemble Ictus et l’Orchestre national de Metz en ouverture du Festival Musica de Strasbourg - Attractifs chemins détournés - Compte-rendu

Musica, le festival des musiques d’aujourd’hui de Strasbourg, prend un autre départ avec la direction artistique de Stéphane Roth qui succède à Jean-Dominique Marco après presque trente ans de bons et loyaux services. Renouvellement et continuité semblent les lignes directrices, comme en témoigne cette très éclectique édition 2019.
 

David Reiland © Cyrille Guir

En ouverture symphonique, le programme proposé par l’Orchestre national de Metz en est représentatif, qui confronte le désormais classique Charles Ives (1874-1954) à deux compositeurs actuels, Rebecca Saunders (née en 1967) et Jonathan Harvey (1939-2012). La Robert Browning Overture de Ives est une page écrite en 1912-1914, puis révisée en 1936-1942, que Strasbourg découvre en création française. L’œuvre, en hommage au poète britannique Robert Browning (1812-1889), tranche dans la production de Ives, d’un caractère expressionniste dissonant et détonnant où se perçoit le lignage de Varèse. Void de Rebecca Saunders, composé en 2012-2014 et également en création française, est tout autre, pour duo de percussions et orchestre, qui mêle frottements et glissandos, cette fois en hommage à Samuel Beckett (Void, ou vide, se réfère à Textes pour rien du dramaturge irlandais). Bird Concerto with Pianosong de Jonathan Harvey, pour piano solo, orchestre de chambre et traitement électroacoustique écrit en 2001, fait référence comme son nom l’indique aux chants d’oiseaux. On pense inévitablement à Messiaen – qui a inspiré un admirable Tombeau à Harvey en 1994 – dans ces couleurs de piano dans un registre aigu, ces timbres instrumentaux et synthétiques imitant piaillements et gazouillis.
 L’Orchestre national de Metz conduit par son nouveau chef, David Reiland (1), se coule à merveille dans ces textures différentes sous une battue d’une vigilance emportée. Les deux solistes issus des Percussions de Strasbourg, Minh-Tâm Nguyen et François Papirer, livrent leur partie avec dextérité pour la pièce de Saunders. Alors que Bertrand Chamayou (photo) distille ses arpèges d’un piano habité pour l’œuvre de Harvey.
 

L'Ensemble Ictus aux Halles Citadelle © My greatest hits

 
En prélude à cette soirée, puis repris en continuité, l’ensemble belge Ictus offre pour sa part un parcours inédit intitulé « My greatest hits », qui distribue pendant plus de trois heures des pages diverses qui vont de John Dowland à Philip Glass, Terry Riley ou Francesco Filidei, entrecoupées d’un désopilant récit emprunté à Charlie Chaplin (The Hynkel Speech, caricature des discours de Hitler), dans des formations variées où le loufoque côtoie la plus grande rigueur interprétative. Une forme de déambulation, au gré de trois plateaux de scène dans les Halles Citadelle, anciens entrepôts désaffectés aux confins de Strasbourg, pour une performance tenant de l’exploit et de l’imaginaire.
 
Le lendemain, retour de Bertrand Chamayou, à la Cité de la Musique et de la Danse. Il tient, pour le spectacle « Cage au carré », la partie des fameux pianos préparés de John Cage, ici distribués en quatre instruments avec des œuvres datées de 1940-1945, assorties de mouvements chorégraphiés et dansés par Élodie Sicard. Des gestes et poses façon zen illustrent ainsi des pianos percussifs aux sonorités de gamelan (revendiquées par le compositeur). Un moment attractif, servi avec un double élan, comme hors du temps et de l’espace, justifié par le propos quand on sait que Cage avait écrit ces pages précisément en référence à la danse.
 
Pierre-René Serna

(1) Voir :
www.concertclassic.com/article/david-reiland-et-lorchestre-national-de-metz-nouveaux-reperes-nouveau-tempo
 
 
Strasbourg, PMC, Halles Citadelle, Cité de la Musique et de la Danse, 21 et 22 septembre / Festival Musica jusqu'au 5 octobre 2019
 
 
Photo © Musica Strasbourg

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