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​Concert des Talents Adami Classique 2025 – « Du brillant, n’est-ce pas ? beaucoup de brillant » – Compte rendu

Robe couverte de strass, pantalon à paillettes, boucles d’oreilles étincelantes comme les cuivres de l’orchestre, et pour les messieurs, souliers vernis ou baskets argentées aussi éblouissantes que les escarpins de ces dames : pour les jeunes artistes réunis sous la bannière de l’Adami, le concert annuel est forcément une occasion de se mettre en avant en brillant de leur mieux.

 

© Thomas Bartel

 
Plus sérieusement, l’agencement de la soirée doit braquer les projecteurs sur chacun tour à tour, mais tous n’ont pas la même manière de briller. Pyrotechnie vocale – celle à laquelle pensait Mme Carvalho lorsque, pour Mireille, elle réclamait à Gounod « du brillant, n’est-ce pas ? » et vélocité digitale sont au menu, mais il faut inévitablement varier les plaisirs pour ne pas engendrer la monotonie. Parmi les huit Talents (cinq instrumentistes contre trois chanteurs, pas de parité cette fois) réunis non plus dans le cadre intime du Bal Blomet, ou dans l’à peine plus vaste Théâtre des Bouffes du Nord, jadis, mais cette année dans le vaste Studio 104 de la Maison de la Radio, certains ne feront pas assaut de virtuosité mais miseront plutôt sur l’expression ou le sentiment.

 

© Thomas Bartel

 
La composition du programme, peut-être par souci d’originalité, évite presque entièrement les grands noms du XIXsiècle qui font encore l’ordinaire de beaucoup de concerts, et privilégient le XVIIIou le XXe, voire le XXIe. Cela tient aussi au choix des instruments présents : si l’on a pu naguère assembler des formations assez classiques en mettant en présence pianiste, violoniste et violoncelliste, par exemple, l’édition 2025 inclut, aux côtés de la flûtiste Iris Daverio et du hauboïste Ilyes Boufadden, la bassoniste Laure Thomas et le saxophoniste Luis González Garrido. Quand on sait qu’il est désormais de coutume d’unir la plupart des huit Talents dans au moins un morceau, on devine que la transcription va bon train : ainsi de l’arrangement de la Sonate K. 513 de Domenico Scarlatti, transcrite pour ces quatre vents et clavier par le claveciniste Alessandro Zanfardino, cinquième Talent instrumental de cette année.
Et la tâche est encore plus complexe pour la création mondiale commandée pour l’occasion, Lexique de l’Iranienne Farnaz Modarresifar (il est heureux que la comédienne Clotilde Hesme soit venue lire d’abord le poème de Claire Simon, car l’intelligibilité du texte ne semble pas avoir été un critère central de cette composition).

 

© Thomas Bartel

Si le hautboïste opte d’emblée pour le brillant, avec Legacy d’Óscar Navarro, la flûtiste opte pour la plus méditative Aria d’Ernst von Dohnanyi ; la bassoniste révèle que son instrument peut se montrer volubile, dans Interférences de Roger Boutry, le saxophoniste étant tout aussi virtuose dans Crystal Seed de Fabien Waksman. Iris Daverio aura tout loisir de se rattraper en matière de brillant grâce à la réjouissante Techno Parade de Guillaume Connesson, où elle partage la vedette avec Luis González Garrido, tous deux soutenus au piano par Martin Jaspard, qui partage avec Josquin Otal la lourde charge d’accompagner tous les morceaux.

 

© Thomas Bartel

Côté chant, la mezzo Léontine Maridat-Zimmerlin, qui participait récemment aux représentations d’Iphigénie en Tauride à l’Opéra-Comique, et qui brillait dans la vocalisation rossinienne lors du concert de Génération Opéra, interprète ici « Cara speme » de Giulio Cesare et « Nos peines seront communes » de Médée, qui sollicitent bien davantage l’émotion, l’air de Néris permettant en outre de mettre en avant Laure Thomas au basson obligé. L’autre timbre grave, celui du baryton Pierre Gennaï, a de séduisantes couleurs mais a paru manquer parfois un peu de volume dans Don Quichotte à Dulcinée. Quant à la soprano Sima Ouahman, remarquée à l’Académie de l’Opéra de Paris, elle propose, outre une version un rien trop rapide des « Chemins de l’amour » (avec un saxophone en plus du piano), une fort belle lecture d’ « Apparition » de Debussy, avant de briller en Ophélie d’Ambroise Thomas dans le duo « Doute de la lumière », les trois voix étant réunies dans « Più non si trovano » de Mozart accompagné par flûte, saxophone et basson.

Laurent Bury
 

Paris, Maison de la Radio, 2 décembre 2025 // www.adami.fr/evenements/talents-adami-classique-2025/

Le concert aurait dû être diffusé en direct par France Musique, mais un mouvement de grève en a empêché la captation.
Photo © Thomas Bartel

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