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L'Ensemble 2e2m joue Haddad, Combier et Filidei - Festin musical - Compte-rendu

Concert après concert, le cheminement de l'Ensemble 2e2m au côté du compositeur jordanien Saed Haddad (né en 1972) entamé en janvier dernier laisse découvrir une œuvre d'un extraordinaire raffinement instrumental. Le concerto pour oud, La Mémoire et l'inconnu, l'avait montré : la virtuosité de l'écriture s'y accompagne d'une totale liberté de timbres. La forme, elle, est à mi-chemin : entre construction savante et libre mouvement. In contradiction, dirigé ce 28 mars par Pierre Roullier, impressionne plus encore : œuvre faussement concertante, malgré les deux violoncelles placés aux avant-postes, elle offre un déroulement où chaque instrument devient soliste, modifiant ainsi constamment le centre de gravité de l'ensemble, riche de timbres complexes et sitôt après érodé jusqu'à ne laisser entendre que clavecin et harpe ou célesta.

Pour cette reprise d'une œuvre créée en 2009 par l'Ensemble Modern, Pierre Roullier a donné la possibilité à Saed Haddad de réviser sa partition ; c'est aussi ce qu'a fait Jérôme Combier (né en 1971) sur Rust, une œuvre composée en 2009 également et revue pour ce concert. Étonnant contraste avec la lumière de Saed Haddad, Rust est sans doute la pièce la plus sombre, dont le rythme, la tectonique, sans être jamais immobile, se fait toujours plus pesante.

La suite du concert se tournait vers la voix : celle de la soprano Amel Brahim-Djelloul tout d'abord, parfaite pour les mélismes orientalisants de Neb Ankh de Zad Moultaka (né en 1967), que le compositeur déploie dans l'espace sonore intriguant d'une bande magnétique d'où naissent rythmes et couleurs. Cette œuvre, ressortant plutôt de l'intime, laissait place ensuite à la fête, au festin – vocal, instrumental et rythmique autant que visuel – composé par Francesco Filidei (né en 1973) dans L'Opera (forse). Fantaisie animalière absurde et poétique (les amours d'un oiseau et d'un poisson), portée par le texte écrit exprès par Pierre Senges – et par sa voix puisqu'il en est le narrateur –, l'œuvre convoque autour d'une table six « instrumentistes » (parmi eux, le directeur artistique Pierre Roullier) jouant de l'appeau, de la bouteille, de la crécelle ou du verre en cristal. Ce n'est pourtant pas l'insolite qui ressort de cette œuvre joyeuse, mais la beauté du son, la poésie, le merveilleux, l'accord parfait du son et du geste.

Jean-Guillaume Lebrun

Paris, Conservatoire à Rayonnement Régional, jeudi 28 mars 2013.

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Photo : C. Gremiot
 

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