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L’Enfance du Christ sous la direction de John Nelson au Festival Berlioz 2021 – Exaltation intérieure – Compte-rendu
Dernier arrivé parmi les prestigieux intercesseurs de Berlioz, John Nelson (photo) est enfin accueilli comme il se doit au festival qui célèbre le compositeur. Le chef d’orchestre costaricain (ayant repris la nationalité du Costa Rica, son pays de naissance, bien que de famille originaire des États-Unis), qui s’est illustré glorieusement dans les plus grandes pages de Berlioz, ne faillit pas à sa magnifique réputation, transmetteur d’une Enfance du Christ d’une rare et lumineuse intensité.
L’oratorio biblique de Berlioz est une œuvre toute de ferveur délicate aux aspects changeants d’une couleur de musique de chambre, qui nécessitent un engagement des plus subtils. Contrat rempli, par les intervenants réunis dans l’auditorium provisoire sis dans la cour du château de La Côte-Saint-André ! C’est ainsi qu’à un efficace Orchestre national de Lyon se joignent des chœurs judicieusement préparés (Chœur Spirito et Jeune Chœur symphonique, par Nicole Corti, Pascal Adoumbou et Tanguy Bouvet) et un bouquet de chanteurs solistes des mieux adaptés.
Remplaçant de dernière minute (de Jean Teitgen, souffrant), Vincent Le Texier campe un Hérode, le cruel et tourmenté roi romain de Judée (auteur du « massacre des innocents » selon l’Évangile), de bel envol avec ce qu’il faut d’emportement expressif, ainsi qu’un Père de famille, accueillant Marie, Joseph et leur fils Jésus dans leur fuite en Égypte, d’un prenant caractère émouvant (sur ces mots d’une immémoriale actualité : « Les enfants d’Ismaël sont frères de ceux d’Israël »). Un vibrant retour pour Le Texier dans des rôles qu’il n’avait abordés qu’une seule fois il y a fort longtemps. En revanche, Cyrille Dubois incarne pour la toute première fois le Récitant, avec cet art du dire et cette projection vocale ferme autant que nuancée qui lui appartiennent. Magnifique prise de rôle, qui n’attendait que lui ! Le baryton Roderick Williams offre un Joseph de claire facture, alors que la mezzo Christine Rice présente une Marie d’une délicatesse immanente. L’un et l’autre, chanteurs britanniques d’une excellente élocution française.
Le chœur n’est pas en reste de juste adéquation, mariant pianissimo et forte de circonstances. Quant à l’orchestre, il resplendit de couleurs, dans les détails comme les mouvements d’ensemble, sous la menée intensément précise de Nelson, le tout dans un sentiment général porté de l’intérieur par l’exaltation. Public attentivement concentré dans l’écoute, avant une fin d’applaudissements sans fins.
En marge des beaux concerts de cette édition du Festival, on n’aurait garde de manquer l’exposition « Les Orientales de Berlioz », au Musée Hector-Berlioz (dans la maison natale du compositeur richement restaurée), qui à l’aide de prêts exceptionnels présente des manuscrits d’époque associés à des peintures et sculptures historiques qui évoquent l’Orient et ses héroïnes en rapport avec Les Troyens à Carthage donnés précédemment ou la Palestine et l’Égypte de cette Enfance du Christ.
Pierre-René Serna
Exposition « Les Orientales de Berlioz », jusqu’au 31 décembre 2021 // musees.isere.fr/agenda/musee-hector-berlioz-exposition-temporaire-les-orientales-de-berlioz
Photo © Bruno Moussier
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