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Festival Bach en Combrailles 2025 – La fête renouvelée – Compte-rendu

Pendant six jours, c’est le même rituel festif : une conférence le matin pour se mettre en jambe, une audition d’orgue à midi à l’église de Pontaumur, un premier concert l’après-midi et un deuxième le soir ; et à chaque fois dans des lieux différents, parfois éloignés les uns des autres. Bach en Combrailles est un véritable marathon en musique, mais aucun festivalier ne s’est jamais plaint de ce rythme effréné, depuis qu’existe ce rendez-vous musical auvergnat. La 27e édition n’a pas failli à la règle, même si Julien Caron, le nouveau directeur musical, nommé en décembre dernier, n’a eu que peu de temps pour composer une programmation finalement riche, variée et attrayante, réunissant artistes confirmés et jeunes talents. L’un des mérites, et non des moindres, de ce festival aux allures familiales et estivales est en effet d’accueillir des noms peu connus du grand public. Encore élèves ou à l’aube d’une carrière, Bach en Combrailles leur offre une véritable tribune, celle de l’orgue de l’orgue de Pontaumur en particulier, copie exacte de l’instrument d’Arnstadt, dont Bach fut titulaire de 1703 à 1707.
Clarté, fantaisie et audace
Parmi les sept organistes invités cette année, la toute jeune Marie Dumas (photo) a fait forte impression. Par la qualité et la cohérence de son programme tout d’abord : deux chorals de l’Orgenbüchlein (Herr Christ, der einig Gotts Sohn et Mit Fried und Freud ich fahr dahin) et la Toccata et fugue en fa majeur BWV 540 de Johann Sebastian Bach ainsi qu’une pièce de Samuel Scheidt (Fantasia super « Jo son ferito lasso » SSWV 103). L’organiste de 23 ans, étudiante à la Hochschule für Musik und Theater de Munich, a aussi impressionné par la clarté de son jeu (un pédalier toujours chantant !), par le choix des registrations, par ses tempi maîtrisés et par une fantaisie, doublée d’une audace, que sa seule jeunesse ne saurait expliquer. En bis, elle a offert au public, toujours nombreux pour les auditions, un ricercar à 5 voix de Girolamo Frescobaldi dont le cantus firmus doit être chanté par l’organiste. Ce qu’elle a fait avec une belle voix de soprane. De l’audace, encore de l’audace !

Chloé de Guillebon © A. Thiallier
Des tourbillons de musique irrésistibles
Autre clavier, autre très belle surprise avec le récital de clavecin donné par Chloé de Guillebon dans l’église romane de Montfermy, au chœur richement décoré de peintures murales (une première pour le festival). Là encore, un programme harmonieux composé de très larges extraits du 8e Ordre du Second Livre de pièces pour le clavecin de François Couperin, de la Suite n°3 en ré mineur HWV 428 de Haendel et de la 6e Suite anglaise en ré mineur BWV 811 de Bach. Trois univers et un même soin à bien faire sonner le clavecin, une copie de Jean François Chaudeurge d’après Goujon. Dans les pièces de caractère de Couperin, Chloé de Guillebon fait chanter admirablement l’instrument. Même inspiration dans les danses et dans l’aria de Haendel richement orné par le compositeur lui-même (sans les variations qui ne sont pas de la meilleure veine haendelienne). Quand la musique l’exige, le clavecin s’exprime avec panache. Le prélude de la suite de Haendel, à la manière d’une toccata, la passacaille du 8e Ordre et surtout la gigue de la suite anglaise se transforment sous les doigts de Chloé de Guillebon en des tourbillons de musique irrésistibles.

Yohann Moulin © T. Geffrotin
La délicatesse du clavicorde
C’est sur ce même instrument que Yohann Moulin a donné une partie de son récital dans la petite église de Miremont, posée sur une colline au milieu des bois. Le claveciniste, au toucher si délicat, a fait le choix audacieux et judicieux de jouer les premières pièces sur un clavicorde de Christopher Clark d’après Christian Gottlob Hubert. Audacieux, car le son délicat et ténu de l’instrument exige une écoute attentive du public ; judicieux, car le clavicorde nous plonge dans un climat très intime. Les chorals de Bach (Wenn nur den lieben Gott) et de Zachow (Wir Christenleut), la Suite n°4 de Böhm et la courante de Scheidt ont été comme délicatement chuchotés à nos oreilles. Changement d’instrument, mais jeu tout aussi subtil, pour la suite du programme : une toccata de Mathias Weckmann, des variations sur Christ lag in Todesbanden de Heinrich Scheidemann, deux pièces de Dietrich Buxtehude (la Chaconne en ut mineur et le Choral « Mensch, willt du leben Seliglich »), la Suite en mi mineur, BWV 996 de Johann Sebastian Bach et le triptyque en sol mineur (Praeludium, fuga et postludium) de Georg Böhm. Le récital, particulièrement séduisant donné par un artiste très attachant, prenait fin dans un climat apaisé, avec un célèbre menuet de Christian Petzold, longtemps attribué à Bach.

Ensemble Alia Mens, dir. Olivier Spilmont © T. Geffrotin
Rondeur, plénitude, équilibre
Quatre concerts de musique vocale étaient au programme de cette édition, dont deux méritent tous les éloges. Le premier a été donné dans l’abbatiale de Mozac par l’ensemble Alia Mens. Son chef, Olivier Spilmont, avait choisi trois cantates écrites par Bach au début de son cantorat à Leipzig : « Warum betrübst du dich », BWV 138, « Was Gott tut, das ist wohl getan », BWV 99, plus un air pour soprano tiré de la Cantate « Süsser Trost, mein Jesu kömmt », BWV 151. Il avait aussi fait le choix d’un chœur de solistes. Le « un par voix » peut trouver ses limites, quand les chanteurs, oubliant qu’ils ne sont plus solistes, n’arrivent pas à se fondre dans le groupe, même réduit à sa plus simple expression. En l’occurrence, l’écueil a été magistralement surmonté. Marie-Luise Werneburg (soprano), Nicolas Kuntzelmann (alto), Thomas Hobbs (ténor) et Romain Bockler (basse) ont été fort convaincants dans ce difficile exercice. Le son des chœurs et des chorals était rond, plein et justement équilibré. Les airs et récitatifs ont révélé l’art consommé de chanter Bach de tous les solistes, accompagnés (dans le meilleur sens du mot) par un orchestre remarquable (mentions spéciales pour la flûtiste Annie Laflamme et le hautboïste Jean-Marc Philippe).

Louis-Noël Bestion de Camboulas © T. Geffrotin
Passion communicative
Tout aussi enthousiasmant a été le concert donné par l’ensemble Les Surprises, un habitué du festival, dans l’église du prieuré Saint-Hilaire-la-Croix. « Bach en famille » était le fil conducteur du programme pensé par Louis-Noël Bestion de Camboulas. Ce qui aurait pu être un simple florilège de pièces orchestrales et vocales des Bach, père et fils, s’est transformé, grâce aux lumineuses et joyeuses explications du chef et à la passion communicative de tous les artistes, en un voyage à Leipzig dans les années 1730 : au domicile de la famille Bach, au café Zimmermann et à l'église saint-Thomas. Johann Sebastian, Wilhelm Friedemann et Carl Philipp Emanuel n’étaient pas les seuls à nous accueillir pour ce moment de fête : Georg Böhm, Johann Ludwig Krebs et Georg Philipp Telemann avaient aussi été conviés pour notre plus grand plaisir.
Thierry Geffrotin

27e Festival Bach en Combrailles (Puy-de-Dôme) concerts des 5, 6, 7 & 9 août 2025
www.bachencombrailles.com/
Photo Marie Dumas © A. Thiallier
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