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Le Petit Faust d’Hervé à l’Opéra de Tours – Perseverare diabolicum – Compte rendu

C’était en décembre 2013, au Théâtre Déjazet. Un ensemble nouvellement créé, Les Frivolités Parisiennes, ressuscitaient la parodie inspirée à Florimond Ronger par le Faust de Gounod. D’un spectacle d’où l’on ne retenait vraiment que le Méphisto de Sandrine Buendia, on sortait en se disant que décidément, Hervé aurait du mal à revenir sur les scènes, même s’il avait été en son temps considéré comme le rival d’Offenbach.
Douze ans plus tard, les « Frivos » devenues une institution s’associent au PBZ pour remettre cet ouvrage sur le métier. De son côté, ledit Palazzetto Bru Zane n’en est pas à sa première tentative de défense et illustration d’Hervé, puisqu’il y a eu Les Chevaliers de la table ronde, Mam’zelle Nitouche et L’Œil crevé. Mais cette fois, ce n’est plus à Pierre-André Weitz qu’est confiée la mise en scène, les Frivo ayant probablement suggéré de faire appel à Sol Espeche, celle à qui l’on devait la réussite de l’un des spectacles les plus drôles que l’on ait vu depuis longtemps, Coups de roulis.

© Marie Pétry
Pastiche musical
Si le miracle opéré avec l’ultime opérette de Messager ne se renouvelle pas tout à fait ici, la faute en incombe sans doute surtout à Hervé lui-même et à ses librettistes. Malgré de savoureux éléments de pastiche musical, malgré quelques passages dont le texte atteint de délicieux sommets d’absurdité (c’est en particulier vrai de tout ce qui concerne Valentin, de son premier air jusqu’à son ultime apparition comme spectre, en passant par sa mort), la partition ne paraît pas tout à fait comparable à celles des plus grands compositeurs qui se sont illustrés dans le genre. Et dramatiquement, la facétie est un peu lourde, Marguerite devenant une sale gamine qui roue de coups ses camarades de classe, puis une ex-blanchisseuse devenue danseuse de cancan qui a collectionné les amants avant de retrouver Faust.

© Marie Pétry
Dans l’univers télévisuel à nouveau
Confrontée à ce livret difficile, Sol Espeche a choisi de poursuivre son exploration de l’univers télévisuel des années 1980-90. Même si le rapprochement s’impose de façon moins évidente que le lien qui unissait Coups de roulis à La Croisière s’amuse et au soap opera, on ne peut nier la virtuosité ingénieuse avec laquelle l’idée est exploitée, alors que se bousculent les références à différentes émissions de divertissement qui ont connu leur heure de gloire à la fin du siècle dernier, des shows de variétés à la téléréalité : on trouve ainsi, pêle-mêle, « La Classe », « Champs-Elysées »d, « Tournez Manège » et « Loft Story », l’enfer où l’on est condamné à danser pour l’éternité ressemblant furieusement à « Gym Tonic ».
Hélas, malgré la cocasserie du procédé, on ne retrouve pas tout le jeu sur les clichés de genre (dans tous les sens du terme) qui faisait notamment le prix de Coups de roulis.
L’orchestre des Frivolités Parisiennes sera présent lors de la plupart des étapes de la tournée du spectacle, mais pour les deux premières représentations, c’est l’Orchestre symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours qui dirige Sammy El Ghadab. L’avantage d’une vraie fosse et d’une formation nombreuse est de pouvoir traduire, mieux qu’avec un arrangement pour quelques instrumentistes, les moments où Hervé imite Gounod.

© Marie Pétry
Méphisto-animatrice de talk show
On retrouve dans la distribution certains noms déjà présents dans Coups de roulis – dommage que le spectacle n’offre pas à Guillaume Beaudoin plus d’occasion de se mettre en avant – mais à part Maxime Le Gall, Bellory dans Coups de roulis, les principaux solistes sont des nouveaux venus. Igor Bouin est superbe en Valentin bas du casque et tire le maximum d’un rôle en or. Charles Mesrine met une belle voix de ténor au service de Faust, ici Maître Capello/Pierre Bellemare devenant benêt qui cherche l’âme sœur grâce au petit écran. Anaïs Merlin a toute la verve nécessaire à la Marguerite dévergondée qu’a imaginée Hervé. Quant à Mathilde Ortscheidt, si son timbre chaleureux donne une épaisseur bienvenue à Méphisto-animatrice de talk show, on regrette une diction pas toujours assez précise pour que le texte ne se perde pas dans les moments plus rapides.
Laurent Bury

Hervé : Le Petit Faust –Tours, Opéra, 18 novembre ; prochaines représentations les 29 & 30 novembre à Reims (Opéra) :
puis du 13 au 20 décembre à Paris (Athénée Théâtre Louis-Jouvet) : www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/le-petit-faust.htm
Photo © Marie Pétry
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