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Le Trio Karénine joue Fauré, Ravel et Tailleferre (1 CD Mirare) – Le Disque de la Semaine – Compte-rendu

Le Trio de Germaine Tailleferre par des interprètes français ? Ce n’est pas tous les matins ! On a commencé ce disque par la fin, avec l’ouvrage de l’unique femme du Groupe des Six, avant de reprendre les choses à leur début et de « boucler » pendant un bon moment sur une vraie petite merveille discographique (très bien captée de surcroît).
A la différence des quatuors, qui poussent comme des champignons, les trios avec piano ne sont pas légion en France. Le Trio Karénine compte parmi les meilleurs, tant par le niveau de chacun de ses membres (Fanny Robilliard, violon ; Louis Rodde, violoncelle ; Paloma Kouider, piano) qu’un équilibre, une harmonie des individualités et un profond sens de la couleur, qualités qui s’illustrent au mieux dans ce programme français.

Fauré : Trio op. 120, 1er mvt (ext.)
 

Entrée en matière avec le Trio op. 120 (1923) de Fauré. Difficile de croire que cet ouvrage précède d’un an seulement le testamentaire Quatuor à cordes op. 121. Le vieux maître était sans doute devenu dur de la feuille, mais que de jeunesse et de sève lyrique a-t-il su mettre dans une partition dont les trois musiciens s’emparent avec un souffle et un sens de la grande ligne simplement admirables, auxquels s’ajoutent une spontanéité de tous les instants.

Ravel : Trio en la mineur, 2e mvt (ext.)

Le Trio en la mineur de Ravel se range parmi les des chefs-d'œuvre absolus du genre au XXe siècle et ne pouvait faire défaut à ce disque français. Il est des interprétations qui possèdent le privilège – rare – de conférer une saveur nouvelle aux ouvrages les plus rebattus. C’est le cas de celle du Trio Karénine ; elle dévoile toutes les facettes de la partition avec autant d’intelligente maîtrise que d’émerveillement. Emerveillement qui devient celui de l’auditeur, ébloui et touché par tant d’art et, surtout, de naturel.

Tailleferre : Trio, 1er mvt (ext.)
 
Beau geste de curiosité en conclusion que le choix du Trio de Germaine Tailleferre (1892-1983), composition en quatre mouvements entamée en 1917 et qui ne fut achevée qu'en ... 1978 ! Le résultat vivant, savoureux, profondément attachant, oscille entre la tendresse et le bigarré et mérite la découverte, d’autant les instrumentistes à l’œuvre ici lui rendent justice avec fraîcheur et franchise.

Tailleferre : Trio, finale (ext.)
 
De quoi inciter à aller retrouver le Trio Karénine, le 15 juin au théâtre Rutebeuf de Clichy, lors d’un concert qu’il partage avec l’Orchestre des Jeunes d’Île-de-France et David Molard, son directeur musical. Dernier concert de la riche saison de l’OJIF, le programme permettra de juger d’abord qualités individuelles des membres du Trio, avec Fanny Robilliard dans Tzigane de Ravel, Paloma Kouider dans le splendide et trop rare Konzertsück op. 92 de Schumann et Louis Rodde (1) dans une création mondiale de Béchara El-Khoury (compositeur en résidence à l’OJIF) (2): Chant de lumière pour la Sainte Vierge. En seconde partie les trois musiciens se retrouveront pour le Triple Concerto de Beethoven –  qui ne devrait pas manquer de jeunesse et d’élan !
 
Alain Cochard

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(1) A propos de Louis Rodde et de musique française, rappelons qu’il a signé, avec Gwendal Giguelay, une superbe version des deux Sonates pour violoncelle et piano de Fauré et de la non moins belle 2ème Sonate en la mineur de Guy Ropartz ( CD #NoMadMusic NMM 037)

(2) www.concertclassic.com/article/orchestre-des-jeunes-dile-de-france-partage-dexperience
 
Fanny Robilliard, violon, Louis Rodde, piano ; Paloma Kouider, piano / Orchestre des Jeunes d’Île de France, dit. David Molard
Œuvres de Ravel, Schumann, El-Khoury (CM), Beethoven
15 juin 2018 – 20h30
Clichy – Théâtre Rutebeuf ( M° Mairie de Clichy)
www.ojif.fr/

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